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sanction aux condamnations capitales ; tourmenté de la pensée de cette abolition, il voulut avoir sur les moyens de l’opérer un entretien avec un homme qui eût consacré ses veilles à l’étude de la législation criminelle. Le roi raconta dans quelles circonstances s’était formée son opinion sur cette grave question. Envoyé en mission de l’armée de Sambre-et-Meuse à Paris (il n’avait pas encore dix-neuf ans), il y arriva peu de jours après les massacres de septembre. Son cœur se souleva d’indignation, et un soir il exprima sans ménagement dans un salon son sentiment sur de pareilles atrocités. Un homme l’écoutait sans émotion et l’invita à venir le lendemain matin au ministère de la justice : c’était Danton. « Jeune homme, lui dit-il en le revoyant, vous avez été bien imprudent hier ! » Puis Danton prétendit expliquer que des actes que déplore l’humanité devenaient permis quand ils étaient nécessaires, et termina l’apologie de ces journées de sang par ces mots : « Sachez bien qu’en politique, lorsqu’on a des ennemis, il faut les exterminer jusqu’au dernier, si on ne veut succomber soi-même. » Le jeune officier sortit de cette entrevue avec la résolution bien arrêtée que s’il avait jamais quelque influence sur les destinées de son pays, il l’emploierait à faire supprimer une peine qui offrait une arme si redoutable aux partis politiques. Monté sur le trône, il soutenait avec une énergique conviction sa pensée de réforme. Il lui fut répondu qu’il serait imprudent de précipiter une mesure à laquelle les esprits n’étaient pas préparées ; que si l’on se hâtait trop, il ne se commettrait pas un grand crime que la raison du pays ne redemandât à grands cris le rétablissement de cette justice du glaive qu’elle considérerait plus que jamais comme une garantie indispensable de la sécurité publique. Tout se termina par une transaction : il fut convenu que le nombre des cas où la peine capitale était infligée serait réduit, que dans ceux où elle serait maintenue, le jury pourrait l’écarter par la déclaration de circonstances atténuantes ; qu’enfin dans l’établissement d’un système pénitentiaire qui aurait pour objet la moralisation des condamnés, on chercherait à varier l’emprisonnement de manière à ce que le plus haut degré de cette peine pût, lorsque l’heure en serait venue, remplacer avec avantage la peine de mort. » La loi du 28 avril 1832 a consacré ces dispositions, et l’on voit dans le langage du roi et de son savant interlocuteur qu’elles n’étaient à leurs yeux qu’un moyen de transition, qu’un acheminement vers la suppression définitive d’une peine sur laquelle tous deux au fond étaient d’accord.

Aucun de ceux qui ont eu l’honneur d’approcher le roi Louis-Philippe ne parlera jamais de lui qu’avec une respectueuse déférence ; mais ce n’est point offenser sa mémoire que d’aborder l’examen de ses opinions avec la liberté d’esprit qu’il se plaisait à encourager quand il y voyait un moyen d’arriver à la vérité. Son langage