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Une politique aussi fausse à notre égard qu’au leur prétendait imposer Paris pour capitale à l’Étrurie et substituer, par décret daté des Tuileries, la langue française à la pure langue toscane; Pétrarque, Dante, le Tasse, l’Arioste étaient menacés d’être traités en étrangers dans le beau pays là dove ’l si suona. On voulait une protestation contre ce régime; on voulait dire aux Gaulois : Gardez vos inventions et votre langage; nous sommes vos aînés, si ce n’est vos maîtres, dans les lettres, les sciences, les arts, la civilisation. Nous sommes plus avancés que vous et n’avons que faire de vos lois et de vos exemples!... Seulement, comme les Gaulois étaient les plus forts, il fallait leur dire leur fait sans donner prétexte de se fâcher. C’est à quoi l’on sut merveilleusement réussir. L’occasion fut saisie, et la mise en scène arrangée avec ce tact et cette finesse qui n’appartiennent qu’aux Florentins. Ils auraient été bien faciles qu’on crût à l’affliction dont ils faisaient étalage; leur but aurait alors été manqué. L’apologue fut sans doute compris par les Gaulois du temps, et il n’a pas changé de nature en vieillissant.

M. Bérenger est animé d’un trop sincère amour de la vérité pour dissimuler les côtés faibles des causes qu’il affectionne. Après avoir exposé dans quelles circonstances fut promulguée en 1786 l’abolition de la peine de mort en Toscane, il rappelle qu’elle y fut rétablie le 30 juin 1790 pour la punition des faits de révolte, et le 30 août 1795 pour celle de l’homicide prémédité et des actes tendant à détruire ou altérer la religion catholique et l’autorité du prince; mais il n’a pas accordé à des faits si considérables autant d’attention qu’ils en méritent. Le maintien de la peine de mort dans des pays où les mœurs, les lois, la tradition, sont pour elle n’en prouve sans doute pas à lui seul la nécessité; mais l’échafaud redressé sur la place où il a été solennellement abattu, le démenti donné à des doctrines proclamées avec apparat juste après le temps nécessaire pour en éprouver les effets, le retour vers le passé qu’on a condamné, la condamnation de ce qu’on glorifiait tout à l’heure, sont des argumens bien autrement graves, et peu de raisonnemens contre la peine de mort prévaudront sur la considération qu’il a fallu la rétablir après l’avoir abolie.

La réforme qui fit la gloire éphémère du code léopoldin a été à la veille d’être opérée chez nous en 1830, et elle n’y aurait probablement pas eu plus de solidité qu’en Toscane. Des propositions furent faites dans ce sens à la chambre des députés, et la question fut sérieusement agitée, — si ce n’est dans les conseils du roi, — du moins dans des conférences particulières dont personne n’est si bien en état de rendre compte que M. Bérenger. « Le roi Louis-Philippe avait en horreur la peine de mort; il désirait ardemment la rayer de nos codes. Pendant plusieurs mois, il se refusa même à donner sa