Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préliminaires, signé en 1641, en avait renvoyé la conclusion à un congrès dans lequel étaient appelés des ministres de toutes les puissances protestantes et catholiques ; il avait été d’ailleurs stipulé que ceux-ci se réuniraient dans deux villes séparées, afin de permettre à la médiation du pape de s’exercer entre les états catholiques. Les ministres de la régente arrivèrent les derniers, et après qu’on les eut attendus plus de deux ans à ce grand rendez-vous diplomatique qui avait été d’abord fixé au mois de mars 1642. Établis enfin à Munster en 1644, leur premier acte fut de publier, de concert avec les ministres suédois, un manifeste tellement violent contre la maison d’Autriche, et un appel si énergique aux princes de l’empire pour résister à sa tyrannie civile et religieuse, qu’il fallut tous les efforts des médiateurs pour empêcher les négociations de se rompre au moment même où elles venaient de commencer. Celles-ci ne tardèrent pas d’ailleurs à se trouver suspendues par de nombreuses difficultés de formes et par divers incidens suscités par Servien, que dans son langage pittoresque le nonce Chigi appelait l’ange exterminateur de la paix[1]. Plus tard une lutte presque scandaleuse engagée par l’agent confidentiel de Mazarin avec le comte d’Avaux, son collègue, et le départ de Servien pour La Haye contribuèrent à assurer à la mission française ce bénéfice du temps, que le cardinal réputait supérieur à tous les autres.

Durant cet espace de près de quatre années, l’empereur et les princes allemands des deux confessions avaient avancé leurs négociations directes. Toutes les questions relatives aux intérêts religieux et politiques avaient été résolues, et les satisfactions réclamées par les couronnes de France et de Suède étaient admises en principe. Sous l’empire des faits accomplis, l’Allemagne reconnaissait à la Suède la possession de la Poméranie ; elle n’élevait plus de difficultés sur l’attribution à la France de Metz, Toul et Verdun, et sacrifiait enfin, avec une résignation douloureuse, cette belle province d’Alsace, qu’il fut d’abord question de céder au roi très chrétien comme fief de l’empire, mais qu’on finit par lui reconnaître en toute souveraineté, avec quelques réserves en faveur des princes immédiats qui s’y trouvaient possessionnés.

On en était là depuis longtemps[2], et cependant le congrès n’aboutissait pas. Vainement le nonce et l’ambassadeur de Venise déployaient-ils, en leur qualité de médiateurs, une persévérance que ne lassait aucun obstacle : leurs efforts seraient probablement demeurés infructueux longtemps encore, si un incident grave n’avait

  1. Mémoires du comte de Brienne, année 1644.
  2. L’affaire de la satisfaction française avait été réglée dès le 13 septembre 1646. Voyez Meiern, Acta pacis Vestphalioe, tome III.