la victoire de Casai avait livré le Piémont aux armes et à l’influence de la France, à ce point que le prince Thomas de Savoie était devenu l’un des généraux de ses armées. L’édifice de la monarchie catholique était d’ailleurs menacé d’une subversion totale. Le Portugal avait secoué le joug espagnol ; la Catalogne, la Cerdagne et le Roussillon s’étaient soulevés avec : une unanimité non moins irrésistible, et au moment où s’ouvrait le nouveau règne, nos armées occupaient au cœur de la Péninsule ces belliqueuses provinces qui invoquaient avec ardeur leur réunion à la couronne. La domination castillane n’était pas mieux assise au-delà des Alpes que dans les provinces voisines des Pyrénées, car déjà fumaient à Naples les premières étincelles de l’incendie, bientôt après allumé par Masaniello. Enfin une étroite alliance avec la Hollande avait donné aux armes françaises une supériorité marquée dans toutes les attaques dirigées contre les Pays-Bas espagnols. Le sort avait donc prononcé contre la maison d’Autriche : la prépondérance de la France était un fait déjà consommé. Trahi par la fortune et par ses propres sujets, Philippe IV n’avait plus rien à attendre que des agitations dont les souvenirs de la ligue et ceux de la régence précédente lui donnaient le pressentiment et l’espoir trop fondé.
Le cabinet de l’Escurial ne songea plus dès lors qu’à profiter des perspectives ouvertes par une longue minorité pour reprendre une partie de ce qu’il avait perdu depuis cinquante ans. Mazarin, de son côté, n’eut qu’une pensée : ce fut de pousser jusqu’au bout tous les avantages déjà assurés à la France, afin de profiter pour lui-même du prestige de nos victoires, et d’arrêter par les émotions de la guerre et les sacrifices forcés qu’elle impose l’esprit de réforme qui soufflait dans les parlemens, et l’esprit de cabale qui déjà partageait la cour. Profiter de la guerre afin d’avoir de grosses armées et pour imposer de nouvelles tailles, s’assurer des princes et les éloigner de Paris par de grands commandemens militaires, disposer de beaucoup d’argent pour acheter beaucoup de monde, ce fut là le travail persévérant du cardinal et la seule politique qu’il sut pratiquer et comprendre.
Le successeur de Richelieu comptait sur la guerre étrangère pour prévenir la guerre civile, et, de son côté, le successeur d’Olivarès comptait sur la guerre civile en France pour changer au profit de son pays la chance des armes depuis si longtemps contraire. Ces deux politiques se rencontraient donc pour retarder la paix, encore que l’issue de chaque campagne rendît celle-ci de plus en plus nécessaire à Madrid, et que la misère et le mécontentement qui croissaient sans cesse en France dussent aussi la faire souhaiter de plus en plus à Paris. Mazarin s’abusa sur les conséquences du système qu’il poursuivait avec persévérance au dehors. En travaillant secrètement