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sanctuaire, et dans l’armée, bien que celle-ci en fût l’instrument actif. Pendant qu’il en était ainsi au sommet de la hiérarchie sociale, les populations, et particulièrement celles des campagnes, étaient dans un état trop véritable de souffrance. Eparses sur un sol plus d’à moitié en friche, ne pouvant faire aucune avance à la terre sous un système de tailles qui atteignait la production à sa source en taxant les instrumens mêmes du travail, ces populations rares et pauvres s’étaient épuisées pour entretenir depuis vingt ans les grandes armées décimées par tant de batailles. Le vaste champ des misères humaines était donc ouvert devant les agitateurs au moment où le gouvernement passait de la main vigoureuse d’un grand homme dans celle d’une faible femme, situation redoutable à coup sûr, si les étourdis qui allaient s’y engager, tout pleins du souvenir des grandes luttes antérieures contre la puissance royale, n’avaient manqué de la qualité indispensable pour transformer les émeutes en révolutions.

Ceux-ci ne tentèrent pas même d’établir un lien entre leur cause et celle des populations. Aussi, quoique disposant de forces militaires considérables, et couverts, par l’adhésion du parlement, d’une sorte de consécration légale, succombèrent-ils au sein de l’indifférence publique, en augmentant des souffrances qu’ils ne prétendaient point à l’honneur de faire cesser. Et comme, entre toutes les traditions de leurs prédécesseurs, ils imitèrent surtout l’usage de traiter avec l’étranger pour en obtenir de l’or et des soldats, le sentiment national se réveilla d’abord au cœur des magistrats, longtemps tiraillés entre leurs devoirs et leurs haines, et bientôt après au cœur de la France entière, pour s’identifier avec le sentiment monarchique, encore que la royauté fût représentée par un ministre universellement odieux.

J’aurai à retracer dans ses traits principaux, au risque de beaucoup omettre et de ne rien dire qu’on ne sache, ces tentatives où la présomption s’égala partout à l’impuissance ; mais il faut montrer d’abord dans quelle situation se trouvaient la cour et l’état lorsque le testament de Louis XIII, dégagé par arrêt du parlement de toutes ses clauses limitatives, fit échoir la régence à une princesse jusqu’alors soigneusement tenue à l’écart de toute chose ; il faut surtout étudier dans sa période la moins connue la vie de l’étranger, sans racines et sans appui, que sa destinée appelait à triompher des plus grands hommes de guerre unis aux plus grands seigneurs et aux plus grands esprits de son temps.