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LE CARDINAL


DE MAZARIN




S’il est des temps où, pour triompher de ses ennemis, il faut les surpasser par le génie et par l’audace, — dans les jours ternes et incertains qui succèdent d’ordinaire aux luttes ardentes, quand les intérêts occupent seuls la scène où s’agitaient naguère les passions, il suffit, pour rester au pouvoir après y être monté, de révéler à la société l’égoïsme des prétentions qui la troublent, et d’inspirer le mépris de ses adversaires à défaut du respect pour soi-même. Que, sans s’élever au-dessus du niveau commun, on soit doué d’assez d’adresse pour profiter de leurs fautes, d’assez d’obstination pour se raffermir par leurs défaillances ; qu’on ne se laisse détourner du but ni par les échecs ni par les injures ; qu’on ne recule au besoin ni devant les avances qui désarment ni devant les manœuvres qui divisent ; qu’on soit enfin moins soucieux de sa propre dignité que du succès, — et le jour vient de s’imposer souverainement à la lassitude universelle. Ce sont là des victoires qu’on doit plutôt à la faiblesse de ses ennemis qu’à sa propre force, et qui rapportent moins de gloire que de puissance ; mais elles n’en ont pas moins une importance considérable par la plénitude d’autorité qu’elles assurent, encore que l’œuvre soit en elle-même plus grande que l’ouvrier.

C’est demeurer, je crois, dans les termes de la plus stricte équité que de caractériser ainsi le rôle historique et la personnalité du ministre qui, après des épreuves que de plus nobles cœurs auraient