de Dieu, et a voulu se rendre. Indépendant de son principe pour être à lui-même son principe et son dieu.
L’amour de soi l’a conduit à l’orgueil, et l’orgueil à la révolte. Le voilà séparé de Dieu, c’est-à-dire des sources mêmes de l’être et de la vie, gardant encore quelques restes de sa grandeur première, mais corrompu dans le fond de sa volonté, orgueilleux, plein d’envie et de haine, méchant et malheureux.
Satan n’est pas tombé seul ; il a entraîné dans sa chute tous ceux d’entre les anges qui ont mieux aimé comme lui s’adorer eux-mêmes que de rester unis à Dieu : « Tandis que les uns, attachés au bien qui leur est commun à tous, lequel n’est autre que Dieu même, se maintiennent dans sa vérité, dans son éternité, dans sa charité, les autres, trop charmés de leur propre puissance, comme s’ils étaient à eux-mêmes leur propre bien, de la hauteur du bien suprême et universel, source unique de la béatitude, sont tombés dans leur bien particulier, et, remplaçant par une élévation fastueuse la gloire éminente de l’éternité, par une vanité pleine d’astuce la solide vérité, par l’esprit de faction qui divise la charité qui unit, ils sont devenus superbes, fallacieux, rongés d’envie. Quelle est donc la cause de la béatitude des premiers ? Leur union avec Dieu. Et celle au contraire de la misère des autres ? Leur séparation d’avec Dieu. »
Telle est l’origine du mal dans le monde, et ici commencent les deux cités : d’une part, la cité du ciel, cité de la lumière, de l’amour, de l’harmonie, de la pureté, de la félicité éternelle ; de l’autre, la cité de l’enfer, cité des ténèbres, de la haine, de la discorde, de l’impureté et de l’éternelle réprobation. C’est entre ces deux cités que toute créature raisonnable et libre est appelée à faire un choix. Quel sera celui de l’homme ?
Inférieur à l’ange, l’homme, ainsi que l’ange, a été créé bon. Son âme est, à la vérité, enfermée dans un corps ; mais, au sortir des mains de Dieu, cette âme est innocente, ce corps est docile, et l’assemblage de ces deux natures forme un tout harmonieux. Comment l’harmonie a-t-elle fait place à la discorde, et d’où vient cette lutte de la chair contre l’esprit qui est désormais l’inévitable condition de la vie humaine ? c’est que l’homme est libre, et il n’a perdu la paix et le bonheur que parce qu’il l’a voulu. L’amour de soi et l’orgueil ont parlé à son cœur. Épris de lui-même, au lieu de trouver sa grandeur dans son union la plus étroite avec Dieu, il l’a cherchée dans une folle indépendance ; il s’est révolté. Dès lors, le désordre est devenu la loi de son être, et la corruption du premier couple humain a perverti l’espèce tout entière. Voilà la chair en révolte contre l’esprit, voilà l’esprit divisé contre lui-même ; voilà l’homme condamné à la douleur, aux besoins, au travail, à la décadence et à la mort ; mais la mort corporelle avec ses angoisses et ses déchiremens ne serait que le prélude d’une mort tout autrement redoutable, la mort de l’âme, je veux dire l’arrêt qui pour jamais la sépare de Dieu, si les lois de la justice éternelle n’avaient un contre-poids dans les trésors de l’éternelle bonté.
Au-dessus de nos misères, de nos fautes et de nos combats, veille et agit la Providence. Elle ne livre rien au hasard. En faisant à l’homme le don sublime de la liberté, elle en a prévu les écarts, et la même sagesse qui permettait