vaincues, en un mot arriver à remettre en doute. L’état même du continent. Il n’y avait qu’un moyen de contenir la guerre dans les limites politiques qui lui ont été d’abord tracées : c’était l’union de toutes les forces régulières de l’Europe associées pour un même but et pesant de tout leur ascendant sur la Russie. Cette union a été affaiblie une première fois par la retraite de la Prusse. L’Autriche a été plus prévoyante, elle le sera indubitablement encore, en portant l’autorité de ses forces avec l’autorité de ses conseils dans la lutte où l’attendent l’Angleterre et la France.
Quant à ces dernières puissances, il est facile de le voir, l’issue des négociations de Vienne ne leur laisse d’autre alternative que de continuer la guerre. Or cette guerre n’est pas seulement pour l’Angleterre un grand fait extérieur, elle est encore une épreuve des plus graves pour sa vie intérieure, pour ses institutions. Lord Palmerston, en montant au pouvoir il y a quelques mois, avait arrêté un moment ce flot de mécontentemens populaires soulevés contre la précédente administration. Il fut pendant quelques jours l’homme unique de l’Angleterre, celui dont l’énergie devait tout sauver. Il n’y eut jamais peut-être d’homme d’état plus universellement désigné au pouvoir. Son malheur fut d’inspirer trop de confiance, car il ne pouvait évidemment la justifier ; il ne l’aurait pas pu avec des miracles de volonté, et en fin de compte, au bout de quelque temps, il se trouve que lord Palmerston voit un peu tout le monde se tourner contre lui : les partisans de la paix, qui font des motions dans le parlement ; les partisans de la guerre, qui commencent à ne plus avoir une foi entière en son énergie. Dans le fond, et c’est là ce qu’il y a de grave, ce n’est pas contre lord Palmerston qu’est dirigée précisément toute cette agitation, c’est contre tout un système de gouvernement, le gouvernement de l’aristocratie anglaise. Tous ces mécontentemens qui fermentent depuis quelques mois, et que les malheurs de l’année ont fait éclater, sont venus, selon l’habitude, se discipliner et se concentrer dans une association nouvelle, organisée pour la réforme administrative. Ce sont des bourgeois, des négocians, des banquiers de la Cité, qui se sont réunis dans le vieux palais de Guildhall, et ont inauguré cette agitation, qui va bientôt rayonner sur l’Angleterre tout entière. Le mot d’ordre est de faire arriver la capacité, l’aptitude individuelle à la direction des affaires. C’est tout un mouvement contre les lords qui remplissent les emplois publics, dont les fils, les gendres, les petits-neveux peuplent la chambre des communes. Que deviendra cette agitation ? Elle se présente tout au moins avec un caractère des plus sérieux, et elle survivra probablement à la guerre qui l’a fait naître. Il s’agit aujourd’hui, pour certaines classes, de conquérir leur part de pouvoir. Si on prenait au mot les nouveaux réformateurs, ce serait une révolution véritable contre l’aristocratie, et même, à beaucoup d’égards, contre la constitution anglaise. Il y a heureusement chez nos voisins un sens pratique qui réduit ces grands mouvemens à ce qu’ils ont d’applicable, et de tout cela il n’est point impossible qu’il ne sorte un nouveau degré de vitalité et de puissance dans l’organisation politique de l’Angleterre.
La France n’en est point à ces agitations. Ces réformes qui passionnent l’Angleterre aujourd’hui, il y a longtemps qu’elle les a faites, et elle les a ac-