À mesure que la crise de l’Europe se prolonge et que les incidens se succèdent, il y a un fait qui se reproduit sans cesse avec une obstination singulière. Quand la question semble toucher à un terme décisif, elle prend tout à coup une face nouvelle et menace d’échapper à toutes les directions. Quand on s’efforce de préciser le débat et de le réduire à une alternative inflexible qui oblige du moins toutes les politiques à se dessiner, il se trouve là tout à propos quelque expédient qui ajourne un dénoûment sans diminuer la gravité de la situation. En un mot, chaque tentative qu’on fait semble avoir pour résultat moins d’éclaircir ces terribles complications que d’augmenter l’incertitude et d’infliger périodiquement à l’Europe une déception de plus. L’Europe avait oublié, il faut le dire, ce que c’est qu’une de ces luttes dont tout le monde sent la grandeur, sans qu’on sache sur quel champ de bataille et par quelles armes elles peuvent être tranchées… Elle a cru mener une guerre d’équilibre aussi vite qu’une campagne industrielle. Il s’est trouvé que la guerre a ses conditions, qu’une affaire où sont engagés des intérêts très divers, des gouvernemens d’un tempérament opposé, a ses lenteurs, et que la diplomatie elle-même, accoutumée à gagner du temps, n’a point perdu sa fertilité de combinaisons et d’atermoiemens. Quand la conférence de Vienne s’ouvrait il y a quelques semaines déjà, on était certes fondé à croire qu’elle conduirait à un résultat précis et capital : ou la Russie accepterait les conditions qui lui étaient faites, et alors c’était la paix, ou elle refuserait d’y souscrire, et alors l’intervention décidée, et immédiate de l’Autriche était la conséquence de ce refus. Encore une fois cependant il n’en est pas absolument ainsi. Le résultat n’est point aussi prompt qu’on l’avait pensé. La Russie a refusé, il est vrai, les garanties qui lui ont été demandées ; mais l’Autriche semble n’avoir point perdu tout espoir de renouer, par quelque combinaison nouvelle, ces négociations qui viennent d’échouer. La question reste