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de musiciens allemands hardis et novateurs qui, au commencement du XVIIe siècle, s’éprirent de l’art et de la fantaisie de l’Italie. Le madrigal à cinq voix, par Rolland de Lassus, qu’on a exécuté ensuite, est, comme l’a fait remarquer M. Fétis, animé d’un sentiment dramatique. C’est peut-être le seul madrigal où l’on trouve une voix dominante suivie des autres parties qui lui font cortège. Mais le morceau le plus remarquable de la seconde partie a été un chant espagnol à six voix de femmes, avec accompagnement de guitare, par Soto de Puebla, compositeur de la cour de Philippe II. Inspiré sur des paroles guerrières, — un appel aux armes, — ce chant, qui est rempli de vocalises, porte le caractère des mélodies populaires qui sont la seule musique que possède le peuple espagnol, Dans la troisième partie, beaucoup moins intéressante, nous n’avons remarqué que la Romanesca, que M. Alard a exécutée dans la perfection, mélodie depuis longtemps connue, mais une des plus précieuses trouvailles qu’on doive aux recherches infatigables de. M. Fétis.

Nous ne pouvons mieux résumer cette revue de la saison musicale, qui vient de terminer son cours, qu’en parlant d’une pétition que MM. les facteurs d’instrumens à vent de la ville de Paris ont adressée à l’Institut. Cette pétition, qui a fait grand bruit dans le monde musical, a été signée par tous les chefs d’orchestre et un grand nombre de compositeurs distingués. Elle a pour objet d’attirer l’attention des juges compétens sur la fâcheuse influence des instrumens connus sous le nom de saxophones. Sans entrer ici dans la question de propriété, qui est du ressort des tribunaux, il est incontestable que les inventions de M. Sax sont de nature à rompre l’équilibre de nos orchestres modernes et à faire disparaître toute une famille d’instrumens délicats, qui serait une perte irréparable pour le coloris de l’instrumentation. Les membres qui composent la section de musique de l’Académie des Beaux-Arts ne peuvent pas être d’un avis contraire ; mais il est douteux qu’ils aient le courage de se prononcer dans une question qui intéresse l’avenir de l’art musical et celui d’une grande industrie qui honore la ville de Paris.

P. SCUDO.