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chef-d’œuvre de facture et d’inspiration exquise, a complété le programme, qui avait commencé par un joli trio de Weber pour piano, violon et basse. Enfin la cinquième séance, qui a eu lieu le 18 mars, a été remarquable par l’exécution du quintette en ut majeur (opera 37) de Beethoven, dont le finale à 6/8 est quelque chose de prodigieux. N’oublions pas de mentionner qu’à cette même séance Mlle Salomon, une élève de Mme Farrenc, a exécuté avec clarté et bon goût la sonate en sol mineur, pour piano et violoncelle de Beethoven.

À côté de la société de MM. Alard et Franchomme vient se placer celle de MM. Maurin et Chevillard, fondée, il y a quatre ans, pour l’exécution des quatuors de Beethoven. On sait que dans l’œuvre immense de ce grand poète de la symphonie il existe dix-sept quatuors pour instrument à cordes, dont les cinq derniers particulièrement renferment un problème qui a été l’objet de beaucoup de discussions. Pour les uns, ces derniers quatuors sont l’expression la plus élevée et la plus admirable de l’imagination épique de Beethoven, la pierre d’attente d’un monde nouveau ; pour les autres, c’est un mélange disproportionné de beautés de premier ordre et de pénibles divagations qu’il ne faut accepter que sous bénéfice d’inventaire. Nous partageons entièrement cette dernière opinion, en ajoutant que les parties inintelligibles et très contestables de ces dentiers quatuors ont été le point de départ d’une nouvelle école qui a essayé de se former en Allemagne, et dans laquelle se sont fait remarquer M. Schumann, dont la raison égarée depuis quelque temps Inspire de l’intérêt, et M. Wagner, dont les théories ne sont pas moins étranges que ses opéras. Quoi qu’il en soit de la valeur de ces quatuors, MM. Maurin et Chevillard ont rendu un grand service à la critique ainsi qu’aux amateurs éclairés en les mettant à même de se prononcer en connaissance de cause. Les six séances qu’ils ont données cette année dans la salle Pleyel ont été fort suivies. À la deuxième séance, qui a eu lieu le 2 février, ils ont exécuté le quatuor en fa, le dix-septième dans la série, qui est l’un des plus courts. La première partie se débrouille péniblement, et l’ensemble, malgré des détails admirables, ne communique point à l’esprit cette unité de conception qui sera toujours un des caractères des choses belles. Le quatuor en ut, qui a terminé la séance, est aussi clair que de l’eau de roche. On sent que le maître, en composant ce morceau, n’a pas de système, et sa pensée est aussi belle que facilement saisissable. À la quatrième séance, on a exécuté le quatuor en mi bémol, le quinzième, qui semble être une révolte du génie contre les lois éternelles de l’esprit humain. Le génie a succombé dans cette lutte fratricide, car le génie c’est l’ordre dans une sphère élevée. Dans le douzième quatuor en la mineur, qui a été exécuté à la sixième et dernière séance, le finale est un morceau remarquable où l’on admire le récitatif du premier violon qui vient interrompre d’une manière si pathétique le discours des quatre instrumens. L’exécution de MM. Maurin. Chevillard, Mas et Sabattier a été parfaite.

Il s’est élevé cette année une nouvelle société sous la direction de MM. Lebouc et Paulin, ayant aussi pour objet l’exécution de la musique classique vocale et instrumentale. Ses séances, qui ont eu lieu dans la salle Pleyel, ont