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à trois cents et trois cents 1/2[1]. Comme il n’y a qu’une seule classe de voitures en Amérique, il est assez difficile d’établir, sous le rapport du prix des places, une comparaison avec notre propre pays. Si nous considérions pourtant les tarifs dans nos voitures de seconde classe comme un moyen terme, nous trouverions que les États-Unis ont très souvent un certain avantage sur nous, avantage faible en apparence, quand on l’estime par kilomètre, mais qui devient assez sensible pour les longues distances. La réduction des prix actuels n’en doit pas moins être regardée dans certains états comme une mesure d’un véritable intérêt public. Qu’on ne dise point que les tarifs sont proportionnés aux frais de construction des lignes, car c’est dans le sud, là précisément où les routes ferrées sont construites au meilleur marché, que les taxes sont le plus lourdes. Le taux dépend bien plus de l’activité de la circulation que des dépenses de premier établissement ; mais l’accroissement de la circulation n’est-il pas subordonné lui-même à l’abaissement des tarifs ? Sans aucun doute ; il s’agit là d’une loi tout à fait incontestable, que confirmeraient d’ailleurs les phénomènes les plus curieux et les plus significatifs constatés aux États-Unis. Dans certains états du nord où les tarifs sont faibles, on a vu les sommes perçues sur les railways augmenter de 75 pour 100 en cinq années. Dans le programme du chemin de Boston à Lowel, on avait évalué le nombre annuel des voyageurs à 37,000, et en dix ans il s’est élevé à 400,866 par année. Sur un autre chemin du même district, celui de Boston à Worcester, ce nombre est monté de 23,500 à 470,319. On compte plus d’un million de voyageurs sur l’eastern railway de Boston à Portland, sur lequel on espérait en avoir tout au plus 121,000[2]. Ne peut-on pas dire dès lors que ce sont les routes qui font les voyageurs ? Les rapports entre les hommes se multiplient en raison des facilités offertes par les voies de communication. L’exemple de l’Europe est d’ailleurs, sous ce rapport, tout aussi concluant que celui des États-Unis.

Au point de vue des produits annuels, les chemins de fer américains se présentent dans des conditions favorables, — non qu’il faille citer des dividendes de 10 et 12 pour 100, distribués seulement par quelques lignes ; mais le fait ordinaire, la moyenne générale calculée pour les cinq dernières années et d’après le prix courant des actions, flotte entre 5 et 6 pour 100[3]. Si des capitaux considérables ont été stérilement enfouis, à l’origine, dans des entreprises téméraires ou prématurées, on est revenu depuis longtemps de ces entraînemens funestes. À tout prendre d’ailleurs, ce ne sont pas les actionnaires des chemins de fer qui ont éprouvé aux États-Unis les plus rudes contre-coups des désordres financiers ; les banques américaines, par exemple, ont été bien plus gravement atteintes. En dix années, elles avaient

  1. Voyez le Disturnell’s Guide et le Railway Telegraph.
  2. On peut consulter sur tout ce mouvement et sur les faits généraux et partiels les publications suivantes : De Bow’s Review. — Hunt’s merchants’ Magazine. — Report of lhe state engineer of New-York for 1854. — American Almanack.
  3. J’ai eu sous les yeux les rapports annuels d’un grand nombre de compagnies ; je dois la communication de ces comptes-rendus, comme celle d’autres documens relatifs aux chemins de fer de l’Union, à l’obligeance de M. Vattemare, qui poursuit, comme on sait, avec persévérance l’œuvre utile des échanges de livres entre les peuples.