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peu nombreuses, comme l’Italie, la Russie, l’Espagne, jusqu’à ceux qui se sont livrés à de largos applications, comme la France, l’Allemagne, la Belgique. L’autre se compose des deux nations issues de la race anglo-saxonne et séparées par la mer du reste du monde, la nation anglaise et la nation américaine. En considérant les états des deux groupes, on est d’abord frappé par une différence saillante, provenant de la situation géographique : tandis que dans les premiers les principales lignes ont déjà ou auront nécessairement un rôle international, les chemins de fer dans les seconds vivent à part, sans aucun lien direct avec les voies des autres nations. Comme c’est dans le second groupe que les grandes réalisations ont eu d’abord leur théâtre, il est juste que nous commencions par là cette troisième partie de nos études.


I. – DEVELOPPEMENT DES CHEMINS DE FER AUX ETATS-UNIS.

Le territoire compris dans la confédération américaine, et que le génie d’un peuple audacieux et opiniâtre sillonne de voies ferrées, est dix fois plus étendu que la France et la Grande-Bretagne réunies, et presque aussi vaste que l’Europe entière. La superficie de ce territoire a quadruplé depuis la paix de 1783, qui mit fin à la guerre de l’indépendance[1]. Appuyée sur les deux grands océans, qui lui ouvrent d’un côté une route vers l’Europe, de l’autre une route vers l’Asie et vers les nombreux archipels de l’Australie, cette terre est admirablement située pour communiquer avec tout le reste du monde. Elle a l’avantage de ne pas remonter trop haut vers les régions glacées du nord et de ne pas descendre jusqu’aux brûlantes contrées équatoriales. Renfermant des vallées immenses d’une exubérante fécondité, des richesses minérales prodigieuses, depuis la houille de la Pensylvanie jusqu’à l’or du Sacramento, elle ouvre un champ aussi fécond qu’étendu aux applications de la science moderne.

Malgré ses rapides accroissemens, le peuple qui a reçu la tâche de rattacher à la civilisation européenne ces contrées splendides est extrêmement faible quant au nombre, si l’on tient compte des proportions du sol placé sous son empire. Le dernier recensement officiel, le recensement décennal de 1850, arrête le chiffre de la population à 23,191,000 Ames ; ce n’est pas tout à fait huit habitans par mille carré, tandis que la France en a au moins 175, l’Angleterre 332, la Belgique 388[2]. Si les habitans des États-Unis avaient été uniformément disséminés sur toute la surface de leur domaine, Ils n’auraient certainement pas obtenu, soit dans les chemins de fer,

  1. D’après les délimitations résultant des derniers traités conclus avec la Grande-Bretagne et avec le Mexique, les États-Unis convient une superficie d’environ 760 millions d’hectares (2,936,166 milles carrés). En 1783, cette superficie ne dépassait guère 200 millions d’hectares.
  2. Des évaluations dignes de foi portent le chiffre de la population des États-Unis à 26 millions 1/2 au mois de janvier 1855. Lors du premier recensement officiel exécuté en 1790, la population totale n’arrivait qu’à 3,929,827 âmes. Disons que dans le dernier recensement la population blanche figure pour 19,553,068 ; les esclaves sont au nombre de 3,204,313 ; on compte 434,495 individus de couleur non esclaves. — Voyez la publication officielle The Seventh census, et un abrégé de ce long travail intitulé Statistical View of the United-States.