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régimens partis pour la Crimée, nos khialas[1] et nos goums. Nous avons à monter nos généraux, nos officiers supérieurs, nos officiers d’état-major, nos interprètes, nos intendans, nos officiers comptables, les hommes d’affaires de notre population civile. Encore ne parlons-nous pas de tous les Arabes, qui, s’ils ne vont point encore en voiture, n’aiment pas à aller à pied quand ils ont, disent-ils, chez eux et sous la main un admirable animal créé par Dieu pour leurs plaisirs ou les nécessités de leur vie active. Ces besoins sont déjà considérables, puisqu’on portant à vingt mille le nombre des chevaux ainsi employés, je crois ne pas être au-dessus de la réalité. Ces vingt mille chevaux, qui les fournirait si l’Algérie ne pouvait les produire ? Ce serait naturellement la France, et, je le demande, vingt mille chevaux enlevés à la remonte de notre cavalerie, surtout dans les circonstances actuelles, ne constitueraient-ils pas une charge bien lourde pour la métropole ? On voit donc que la production chevaline en Algérie, sans présenter de danger pour nos éleveurs, est cependant d’un grand secours, puisqu’elle permet à la France de consacrer toutes ses ressources à ses besoins directs.

Mais l’Algérie doit-elle se contenter de suffire à la remonte de sa cavalerie ? Non encore ; l’Algérie a de plus la glorieuse prétention de préparer un certain nombre de ces beaux étalons que nous allons chercher souvent en Orient au prix d’énormes sacrifices, et de contribuer ainsi à l’amélioration de nos races.

Je termine. — On aura remarqué, je l’espère, que je ne me suis fait l’organe d’aucune doctrine exclusive, que je n’ai critiqué ni les hommes ni les faits accomplis. Cherchant uniquement la vérité dans l’intérêt de mon pays, je me suis borné à réunir les documens qui peuvent la dégager de toutes les incertitudes au milieu desquelles la plongent les partis-pris, les théories plus ou moins vraies et les systèmes plus ou moins ingénieux. Je ne suis donc point venu proclamer la supériorité absolue du cheval arabe : je connais trop bien les qualités qu’on peut lui opposer à d’autres points de vue, notamment chez la race anglaise ; j’ai voulu seulement, appuyé sur l’expérience, prouver sa supériorité comme cheval de guerre. Je serai heureux si je suis parvenu à appeler l’attention sur les avantages précieux que la France peut retirer, principalement sous ce rapport, d’une race, suivant moi, trop négligée jusqu’à ce jour.


Général E. DAUMAS.

  1. Khialas, cavaliers arabes au service de la France.