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Telles sont les richesses hippiques que constatent nos statistiques. Encore est-il juste d’ajouter que ces renseignemens ne peuvent être complets, et qu’un recensement régulier n’a pu être fait dans les tribus éloignées de notre action directe. On voudra bien remarquer d’ailleurs qu’une guerre de dix-sept années a diminué les ressources de l’Algérie, appauvri la race, empêché son amélioration, et qu’il faut maintenant plusieurs années de paix pour effacer les résultats de cette longue guerre.

Si l’on veut bien réfléchir maintenant au nombre de poulains que 60 ou 70,000 bonnes jumens, fécondées par 2,200 ou 2,300 étalons, peuvent produire dans l’espace de dix années, on verra qu’en ne calculant même que sur 5 poulains par jument, on arrive à la production énorme de 300 à 350,000 chevaux.

Quoi qu’il en soit, de notables progrès ont déjà été accomplis : ils sont dus d’abord à la générosité de l’empereur, qui a doté l’Algérie d’un certain nombre de producteurs d’un grand mérite, appartenant à la race primitive ; à la sollicitude de M. le maréchal Vaillant, ministre de la guerre ; enfin à l’habile impulsion donnée à l’ensemble du service pan M. le général Randon, gouverneur général de l’Algérie. Ils sont dus encore à l’institution des courses, auxquelles les Arabes des plus grandes tentes ne craignent plus aujourd’hui de prendre part, aux primes accordées aux jumens ainsi qu’à leurs produits ; ils sont dus enfin à l’intelligence avec laquelle, dans les trois provinces, on a su rapprocher les stations d’étalons des grands centres de production.

Grâce à ces efforts, les défauts que l’on croyait pouvoir reprocher à la race barbe tendent à disparaître. La taille devient plus haute, la tête plus large et plus carrée, le coude est moins rapproché des côtes, et enfin la queue sera, dans l’avenir, mieux attachée. D’un autre côté, tout en obtenant ces importantes améliorations, nous avons l’espoir de maintenir chez le cheval barbe les éminentes qualités qui de tout temps l’ont distingué : la souplesse, la force et l’énergie, sa ligne admirable du dos et du rein, l’obliquité de son épaule et la puissance de ses hanches, la résistance aux fatigues, aux privations, aux intempéries des saisons, toutes qualités qui font le véritable cheval de guerre. En un mot, nous voulons que l’on puisse toujours dire de lui : Il peut la faim, il peut la suif, et il peut la fatigue.

Je viens de prononcer le mot de courses ; qu’on me permette de donner à cette occasion un extrait d’un remarquable rapport de M. Bernis, vétérinaire principal de l’armée d’Afrique et hippiatre des plus distingués ; on verra qu’au point de vue de la vitesse elle-même, le cheval barbe ne le cédera bientôt à aucun autre.