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bien des vocations capables de faire honneur à la France. L’exemple est le premier de tous les maîtres ; et, comme le remarque très bien Tacite, il est dans la nature des bommes de suivre volontiers une initiative qu’ils ne prendraient pas d’eux-mêmes : Insitâ mortalibus naturâ, properè sequi quoe piget inchoare.

Lorsque j’ai parlé de ces grandes déductions des formules mathématiques qui nous montrent le système solaire stable au milieu de légers balancemens qui se compensent de siècle en siècle, on a pu craindre que ces sublimes vérités ne fussent à jamais inaccessibles à ceux qui ne sont pas mathématiciens de profession. C’est une grande erreur. Tous ceux qui admirent une œuvre monumentale, comme une basilique, un pont, un viaduc, un canal, une jetée en mer, ne seraient sans doute pas capables de travaux si difficiles ; mais ils sont peut-être plus aptes que d’autres à admirer les travaux du génie, et plus curieux même de les contempler. Tout ce qui est réellement grandiose se comprend facilement. Que l’on dise que, dans le système du monde, le désordre, si l’on peut s’exprimer ainsi, est tellement circonscrit, qu’il ne peut jamais atteindre une limite qui ferait péricliter le monde : que le balancement annuel de l’axe de la terre soit fixé à quelques deux-cent-millièmes, que le balancement séculaire soit reconnu être de un ou deux degrés, en sorte que le climat de Paris oscille entre celui d’Orléans et celui d’Amiens : l’esprit le plus superficiel comprendra ces énoncés si simples, et n’ira pas redouter, pour le présent ou l’avenir, des catastrophes chimériques., encore moins exiger que la puissance créatrice apporte à l’univers une main réparatrice, ce qui serait, comme nous l’avons déjà dit, l’inadmissible aveu d’un manque de prévoyance ou d’habileté.

Laplace, à la fin de l’exposé de son système cosmogonique, consacre quelques mots aux comètes, qu’il déclare en général étrangères à notre système solaire. En effet, la marche de ces astres, si près du néant par la petite quantité de matière qu’ils contiennent, n’offre aucune régularité. Ils viennent de tous les points du ciel et parcourent indifféremment dans tous les sens l’espace étoile. Ce sont sans doute de petites vapeurs cosmiques fort inoffensives qui traversent le système des étoiles jusqu’à ce qu’elles viennent se heurter à quelque soleil qui les absorbe en les arrêtant, ou que, par suite de l’action des planètes près desquelles elles passent, leur marche soit rendue circulaire ou presque circulaire autour du soleil. C’est presque toujours la planète Jupiter qui, par sa grande masse et son attraction énergique, fausse la route de ces astres et les fait, pour un temps du moins, circuler autour du soleil. Suivant l’expression pittoresque de sir John Herschel, Jupiter est le tyran des comètes. Jusqu’ici, quatre seulement de ces astres ont été vus deux fois. Ce