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langage impitoyablement mathématique de son auteur, rendrait un vrai service aux consommateurs de la science, en mettant à leur portée les plus belles déductions rétrospectives des notions de l’analyse transcendante et de la mécanique. L’homme, comme le voyageur, n’aperçoit bien que ce qui est autour de lui. Sa vue atteint difficilement l’espace lointain vers lequel il marche, comme il cesse d’apercevoir les parties de la route qui sont derrière lui. Homère, à tout instant, parle du passé, du présent et de l’avenir, et il met sur le même rang de difficulté la connaissance de ces trois existences. En astronomie et dans la vie sociale, le passé, comme étant la cause infaillible de l’avenir, est aussi important à connaître et souvent tout aussi difficile à faire éclore dans les théories. Calculer une éclipse qui a eu lieu il y a deux mille ans, est tout aussi pénible et incertain que d’en prédire une pour l’an 3855. Je sais bien que l’école utilitaire me répondra que, pour les besoins de la géologie, la théorie de Buffon, écrite en beau style, lui suffit, à peu près comme certaines gens portent volontiers un diamant faux, pourvu qu’il ait le munie éclat qu’une pierre fine ; mais ce diamant factice ne résiste pas longtemps à l’usage : il se raie, se ternit et se détériore promptement. D’ailleurs il est toujours pour une théorie imparfaite quelque point où son insuffisance se trahit. Pour la théorie de Buffon comparée à celle de Laplace, le point d’insuffisance se trouve dans la puissante réaction que le noyau encore élastique du globe doit exercer de l’intérieur à l’extérieur, réaction si bien reconnue et établie par M. de Humboldt et tout à fait inexplicable dans le système de Buffon. J’y ai rattaché le fait presque incroyable des projections de certains volcans à l’origine de leurs éruptions. L’énergie de ces premières convulsions souterraines pour lancer la matière éruptive, serait inexplicable dans toute autre théorie. Souvenons-nous aussi de la réponse de Pythagore à un interlocuteur qui lui demandait quel était avant tout le caractère distinct if de l’homme au milieu de tous les êtres. « C’est, dit le philosophe, la connaissance de la vérité. » Or quel est celui qui ferait cas d’une pièce d’or ou d’argent, s’il la savait fausse ?

Si j’en juge par l’impression qu’a faite sur moi la première lecture du chapitre du Système du monde, où Laplace développe ces grandes idées sur la formation du système solaire, il n’est point de lecteur qui ne dût être émerveillé de ces oracles de la science positive qui nous font assister, non pas à la création du monde, comme le pensent à tort des esprits irréfléchis, mais bien à un développement des lois de la nature dans l’organisation si importante pour nous de notre soleil, des planètes et des satellites, et enfin de notre terre elle-même. Au reste il faut que le sujet de sa nature soit fort attrayant,