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voit très bien à l’œil nu. Celle d’Orion est encore plus brillante, et munie elle est, je crois, la plus brillante du ciel, tellement que Derham croyait que c’était une ouverture dans notre ciel terrestre au travers de laquelle on entrevoyait les splendeurs du ciel empyrée, demeure des bienheureux. J’ai pendant longtemps été seul à combattre l’idée anti-analogique du célèbre astronome anglais à grand renfort de raisons physiques et mathématiques. Enfin, dans ces dernières années, lord Rosse inaugura le milieu du XIXe siècle par la construction d’un télescope gigantesque, connue Herschel père en avait inauguré le commencement par les découvertes dues à son télescope de quarante pieds. Alors les nébuleuses rebelles se réduisirent en étoiles, et il fut bien avéré, comme du reste la logique l’avait proclamé d’avance, que la matière d’une nébuleuse contient de quoi produire un nombre infini d’étoiles.

Faut-il conclure de là que les étoiles n’ont pas été produites par la matière primitive de l’univers qui, en vertu de l’attraction, se serait conglomérée en plusieurs globes solaires ? .Nullement. La chose n’offre rien d’impossible ; mais entre la possibilité et la réalité il y a loin, et en nous hâtant trop d’adopter cette formation, nous ferions injustice à d’autres hypothèses qui se présenteront peut-être. En attendant, les esprits qui ne peuvent rester dans le doute et qui veulent à toute force savoir, ou plutôt croire, pourront admettre une matière chaotique primitivement existante dans tout l’univers stellaire, et se rassemblant en masses isolées pour former des étoiles. Ces étoiles ultérieurement se rapprocheront entre elles en prenant un mouvement de rotation, et formeront ces étonnantes nébuleuses en spirales que lord Rosse a découvertes dans le ciel avec son puissant appareil. Ces traînées de soleils tombant vers un centre commun jusqu’à ce que les forces répulsives de la chaleur les arrêtent, sont, à mon sens, le témoignage de la plus immense période de durée que le ciel ait indiquée à l’intelligence de l’homme. Déjà, en voyant des étoiles toutes formées, on pense bien, avec le calme des régions célestes, qu’il a fallu beaucoup de siècles pour amasser, arrondir, dégager, et pour ainsi dire individualiser la matière qui compose chaque soleil : mais quand on voit une masse de soleils, une voie lactée tout entière, qui s’est mise en mouvement et a pivoté sur son centre de gravité de manière à former par le rapprochement de ses.soleils des spirales d’étoiles allant en tournant vers un point de réunion future, on est effrayé du temps qu’il a fallu pour produire des effets si grands avec des forces si petites. Pour sentir encore mieux l’immensité de ces périodes de temps écrites dans leurs effets, remarquons que, dans les soleils ou étoiles fixes qui entourent le nôtre, nous observons de minimes déplacemens qui n’ont point ôté à ces