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géologique ; mais l’origine ignée qu’il attribue à la terre se trouvant d’accord avec les faits subséquens, on pouvait ne pas se montrer trop difficile sur la vraisemblance de l’hypothèse par laquelle il prétend expliquer l’état primitif du globe. Cet état est prouvé par la configuration même de cette planète et de toutes les autres qui ont la forme aplatie d’une orange, laquelle ne convient qu’à des corps fluides tournant sur eux-mêmes. La mécanique seule suffit pour démontrer mathématiquement ce fait important ; mais l’importance même d’un tel résultat a engagé les expérimentateurs à le reproduire. Ils ont donc emprisonné de l’eau dans une enveloppe flexible ; et, la posant sur une plate-forme tournante, ils ont vu la boule fluide s’aplatir en s’étendant dans le sens où se faisait la rotation. Le célèbre physicien de Gand, M. Plateau, correspondant de l’Institut de France, a opéré encore plus délicatement. Il a fait artistement flotter une grosse boule d’huile dans un mélange d’eau et d’alcool. Cette boule, sans enveloppe, était soutenue par le fluide environnant, comme si elle eût été dans l’air, sans appui et sans pesanteur. Faisant ensuite tourner le vase qui la contenait, ainsi que le liquide environnant, il voyait la boule d’huile s’aplatir légèrement, comme la Terre et Mars, quand le mouvement était faible ; mais avec une vitesse de rotation plus grande, l’aplatissement était égal ou même supérieur à l’aplatissement de Jupiter et de Saturne, lesquels tournent sur eux-mêmes avec rapidité, avec des jours de neuf à dix de nos heures terrestres, et par suite nous offrent des globes bien plus déprimés que la Terre et. Mars, qui tournent, comme on sait, à peu près en vingt-quatre heures.

Enfin Laplace vint ! — C’est dans son Exposé du Système du Monde, ouvrage singulier de prétention mathématique, qu’il faut chercher ses idées sur la formation mécanique de la terre et des planètes. Ici il n’y a pas à craindre qu’une science sévère vienne contrôler et contredire les déductions d’une théorie due à l’auteur de la Mécanique céleste. C’est au contraire la science du mouvement qui sert de guide au théoricien, dès qu’il a posé son hypothèse première, savoir, que la terre et les planètes ont pour origine l’atmosphère même du soleil dont elles ont autrefois fait partie, et qui, en se resserrant autour de l’astre, par suite d’un refroidissement graduel, a dû tourner de plus en plus vite, de manière à rester suspendue à distance, comme la lune reste suspendue au-dessus de la terre, en vertu de son mouvement, qui l’éloigne autant de nous que la pesanteur la ramène, en sorte qu’elle reste toujours à la même distance. C’est en nous appuyant sur le célèbre ouvrage de Laplace, sans en copier servilement le texte, que nous chercherons à résumer les connaissances actuelles sur la physique de l’univers.