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seils plus concilians et plus modérés par la menace d’une rupture définitive avec l’Autriche, la Russie ne sente aussi le prix d’une paix qu’elle ne serait peut-être bientôt plus libre de refuser.

De tous les résultats de cette étrange guerre, le plus extraordinaire assurément est cette alliance intime de la France et de l’Angleterre, rendue plus palpable en quelque sorte par un épisode qui touche à la vie intérieure des deux nations : le voyage récent de l’empereur et de l’impératrice à Londres, voyage accompli au milieu des honneurs et des fêtes. Une semaine s’est passée dans cette excursion. Le peuple anglais n’est point prompt à l’enthousiasme. Aussi dirait-on que, quand il s’y met, il regagne le temps perdu. Les rues de Londres ont été illuminées, et sur des transparens brillaient les initiales unies des souverains d’Angleterre et de France. L’empereur a reçu de la reine Victoria l’ordre de la jarretière ; il a accepté un banquet qui lui a été donné par la cité de Londres, et il a répondu à l’adresse qui lui a été présentée par un discours dans lequel, en relevant l’union des deux peuples à la hauteur d’un fait permanent, il disait qu’il emporterait l’impression de « ce spectacle imposant qu’offre l’Angleterre, où la vertu sur le trône dirige les destinées du pays sous l’empire d’une liberté sans danger pour sa grandeur. » À la suite de ce banquet, le lord-maire a été créé baronnet, et on a eu soin de remarquer que pareille distinction n’était accordée au lord-maire qu’en commémoration des visites des souverains anglais eux-mêmes à la Cité. En un mot, l’Angleterre a reçu ses hôtes avec l’empressement d’une puissance qui, pour céder sans doute au sentiment, n’oublie pas ses intérêts, et qui apprécie aujourd’hui la valeur du concours de nos armées. C’est presque au lendemain des fêtes de ce voyage que l’empereur vient d’être l’objet d’un odieux attentat. Deux coups de pistolet ont été tirés sur lui au moment où il se promenait à cheval dans les Champs-Élysées. Le premier châtiment de ce triste genre de tentatives est heureusement de ne réussir presque jamais. Il n’est pas moins pénible de penser qu’à certaines heures les destinées d’un pays peuvent avoir pour instrument la volonté pervertie de quelque fanatique obscur.

C’est à cette déplorable tentative que vient aboutir la vie intérieure dans ces derniers jours, et ce fait suffit pour effacer tous les autres. Il y a peu de temps néanmoins survenait un acte administratif qui touche à un des intérêts les plus sérieux du pays : nous voulons parler du décret qui modifie d’une manière sensible l’existence de l’Institut. D’après les nouvelles dispositions, la séance publique annuelle des cinq classes de l’Institut doit avoir lieu le 15 août, jour de la Saint-Napoléon. Toutes les séances publiques particulières aux diverses académies sont réglées par le ministre de l’instruction publique. Les concours des prix académiques à décerner seront jugés d’après les formes établies par une ordonnance de 1824, c’est-à-dire, en d’autres termes, par une commission composée de quatre membres nommés par le gouvernement et des trois officiers de l’Académie en fonctions au 1er janvier. Il est institué un prix de 10,000 francs qui sera décerné tous les trois ans à l’ouvrage reconnu le plus propre à honorer ou à servir le pays. Les fonctionnaires préposés à la bibliothèque et aux différens services de l’Institut sont à la nomination du ministre de l’instruction publique. Enfin une sec-