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« Du 15 mars. — Nous avons, M. de Vauban et moi, visité ce matin tous les endroits pour loger des pièces. Je fais travailler maintenant à trois batteries, l’une de huit pièces, l’autre de sept. L’on verra ce soir si l’on pourra loger quelques petites pièces dans le faubourg Notre-Dame. M. d’Augicourt et M. d’Allainville doivent être présentement sur les bateaux de cuivre[1] pour tâcher de reconnaître cela. Les ennemis ont ouvert des embrasures en bon nombre, tant sur la courtine que sur le cavalier[2]. Je ferai tourner ce soir les embrasures de la batterie de huict pièces qui a ruiné la porte de Tournay[3] et la demy-lune qui est devant la porte, de manière que nous seront forts en canon contre le cavalier, et pourrons par ce moyen en venir à bout : c’est à quoi je vais m’attacher présentement, M. de Vauban m’ayant fait remarquer que le reste était suffisamment ruiné. »


La maison de Vauban est indiquée sur la carte du siège à sic cent cinquante mètre environ en arrière de l’église d’Anzin, et à huit cents mètres du chemin couvert de la demi-lune de droite de l’ouvrage couronné. C’est de ce lieu, et à la faveur d’un rideau ou pli de terrain qui s’étend jusque assez près de la contrescarpe, qu’on ouvrit la tranchée, dans la nuit du mardi 9, et que fut fait le premier essai de l’attaque de gauche. Les batteries d’Allainville, de Ribergenne et de Saint-Hilaire furent établies de ce côté contre la lunette du Noir-Mouton, la porte de Tournay et le Grand-Cavalier, qu’elles eurent bientôt ruinés. On ajouta encore, en rabattant un peu vers la droite de l’ouvrage attaqué, trois batteries, — l’une particulièrement destinée à labourer le fossé de la face de la couronne et à en détruire les palissades.

Du côté de l’attaque de droite, on chemina d’une manière analogue en échelonnant six batteries successives de trente-cinq canons et mortiers en tout. Les cheminemens enveloppaient la gauche de l’ouvrage couronné, et l’artillerie battait de très près la deuxième demi-lune, la porte d’Anzin, qu’une des batteries voyait tout à fait à découverts, et un bastion du corps de place. Tous ces travaux furent vigoureusement jusqu’à la nuit du 16.

Le journal du siège rédigé par Pélisson nous a laissé sur l’emploi des six jours qui précédèrent cette nuit quelques indications que je me bornerai à résumer[4]. — Le mercredi 10, la première garde de tranchée fut montée par le comte Magalotti, lieutenant-général ; le comte de Saint-Géran, maréchal de camp ; M. de Rubantel, brigadier ; le marquis de Dangeau, aide de camp du roi ; M. de Jonvelle,

  1. Le faubourg était inondé.
  2. Les cavaliers ont des dimensions considérables dans la plupart de nos places du nord de la France, et deviennent, quand ils sont armés, des réduits très forts.
  3. La porte de Tournay et sa demi-lune étaient à l’extrême gauche du front d’attaque. Le fort du Noir-Mouton les précédait ; on l’avait enlevé, et l’on s’y était logé.
  4. Voyez la Gazette de France et le Mercure galant.