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à la vigueur avec laquelle la place fut attaquée. Les troupes, animées par la présence du prince, travaillèrent aux tranchées avec une diligence incroyable malgré l’incommodité de la saison et tout ce qu’il y avoit de pénible dans ce travail, car après les grands froids les pluies survinrent en si grande abondance, et la terre étoit tellement imbibée, que les soldats et les sapeurs travailloient la plupart du temps dans l’eau jusqu’à mi-corps. »

Le succès si prompt qu’on obtint à Valenciennes fut dû sans doute à la vigueur de l’attaque, mais à ces deux circonstances aussi, que la place était serrée de près et les mesures si bien prises qu’elle ne put recevoir aucun secours durant le siège, qu’enfin les batteries et les palissades des dehors qu’on attaquait étaient ruinées par l’artillerie quand on donna l’assaut[1], — deux conditions, soit dit en passant, dont aucune n’est encore remplie pour la ville forte de Crimée que nous assiégeons en ce moment. Les communications de la place de Sébastopol avec l’extérieur ne sont ni coupées ni même gênées, et ses défenses, si je ne me trompe, n’ont pas encore été, au moment où je parle, notablement endommagées.

Le 10 et le 11, on commença les batteries; le 12, on les termina et perfectionna, sans travailler aux tranchées, qu’on ne reprit que le 13, et l’on fit des places d’armes. Il y avait alors vingt-huit pièces de prêtes; le 13, toutes les batteries étaient terminées. Elles étaient au nombre de douze, depuis le Noir-Mouton jusqu’à l’extrémité du faubourg Notre-Dame, armées d’environ soixante pièces : neuf batteries de canons, trois de mortiers. J’emprunte à la correspondance de Louvois quelques détails curieux sur ces premières opérations. M. Du Metz écrivait au ministre à une heure après midi :


« Les trois cents balles à feu et les six cents Lombes sont à la batterie des mortiers, mesme qu’il y en a plutôt plus que moins; les mortiers sont tous sur leurs plate formes et prêts à donner l’aubade.

« Monseigneur, je feray faire ce soir, puisque vous me l’ordonnez, une salve de toute l’artillerie, pour avertir le roy qu’on tirera bientost les bombes; ensuite je ferai faire une seconde décharge, après laquelle on tirera les bombes et balles à feu.

« Il me semble, comme vous le disiez fort bien, monseigneur, que moitié bombes et moitié balles à feu, cela embarrassera davantage.

« Si M. de Vauban désire que l’on tire demain quelques bombes dans l’ouvrage à cornes, cela sera exécuté, et l’on recommencera demain les mêmes salves; l’on fera, suivant que vous l’ordonnez, plusieurs fausses amorces cette nuict, mesme l’on tirera quelques coups de canon aux endroits où les balles à feu auront fait leur devoir. »

  1. Les Français tirèrent en un seul jour treize cents coups de canon; les batteries de l’ennemi étaient presque entièrement démontées, lorsque le maréchal de Luxembourg donna le signal d’attaquer la contrescarpe.