dessus tout. Qu’a-t-il fait, lui ? Il a accablé sa mère de chagrins et empoisonné la vieillesse de son père. Comment se trouve-t-il ici ? Qui l’a amené ? Ne serait-ce plus ici une maison d’honnêtes gens ?
L’œil du père Antoine était devenu étincelant de colère. Joséphine essaya d’intervenir et de parler pour Mélan.
— Tu as trop bon cœur, Josète, lui répondit le vieillard ; tu ne le connais pas, toi ; tu ne sais pas de quoi il est capable. Que dirais-tu d’un fils qui, voyant son père vieux et malade, voudrait l’abandonner pour se faire soldat ? Que dirais-tu d’un fils qui, sachant que son père a un ennemi, donnerait la main à cet ennemi contre son père ? Que c’est un mauvais garçon, n’est-ce pas, un enfant dénaturé ! Encore si c’était là tout ce qu’il a fait ! mais il savait que si ses parens étaient pauvres, ils tenaient tout de même à vivre en brave gens, et lui, qui s’est-il mis à fréquenter ? ce mauvais fruitier. Il savait que son père avait en horreur la débauche, et n’a-t-il pas fallu qu’il allât parler à une créature comme la fille de cet Isidore ! L’honnêteté, le salut de son âme, il ne sait pas ce que c’est. Dans quelques heures, dans quelques instans peut-être, je paraîtrai devant Dieu ; que mon mensonge se tourne contre moi, s’il n’a pas fait tout ce que je dis ! Réponds, malheureux, l’as-tu fait, oui ou non ?
— Je l’ai fait, répondit Mélan d’une voix si basse, qu’on l’entendit à peine.
— Et tu oses encore paraître devant moi ! Ne t’avais-je pas défendu de mettre le pied dans cette maison ? Que viens-tu y faire ? Sans doute t’assurer où en est ma maladie. Va chez ton fruitier ; rapporte-lui que tu m’as vu étendu sur mon lit, sans forces, n’ayant plus que quelques heures à vivre ; n’oublie pas de lui dire que c’est toi qui m’as mis dans cet état-là ; il te donnera sa fille en mariage. Vous vous valez bien, elle et toi.
— Jeus-Maria ! mon pauvre Mélan ! s’écria la mère Claude fondant en larmes.
— Ne soyez pas si dur, père, dit Josète ; vous voyez combien il est repentant. Tenez, savez-vous d’où il vient dans ce moment-ci ? De Bas-du-Bois, où il était chez Simon. Il a appris que vous n’étiez pas bien, et, malgré la poussée, il a voulu venir. Il a fait un bien mauvais temps dehors, allez, père ; il y avait bien de quoi y rester, surtout par une nuit comme celle-là. Toute la faute est à ce mauvais fruitier ; c’est lui qui l’a endoctriné. Si vous saviez la lettre que ce pauvre Mélan a écrite à notre curé et comme il se repent de ce qu’il a fait ! Il y a de quoi pleurer rien que de la lire. Allons, père, pardonnez-nous ; je ne vous ai jamais fait de chagrin, moi : eh bien, je vous demande en grâce de ne plus penser à tout ça.
— Josète a raison, ajouta Simon ; si Mélan a eu des torts, c’est