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connaissances encyclopédiques désignaient pour cette tâche délicate, guide, hélas! insuffisant pour un écrivain qui confesse son ignorance et qui la prouve surabondamment, il ne consent pas à croire que les lois du monde extérieur, les lois astronomiques, physiques, chimiques, minéralogiques, botaniques et zoologiques, résultent de la nature même des phénomènes observés, et il demande ingénument si le contraire ne serait pas aussi vrai. Quel homme sérieux voudrait essayer de répondre à cette question enfantine? Ailleurs, il confond l’idéalisme et l’idéologie, et affirme gravement que l’idéalisme conduit souvent au matérialisme. Ou les mots de notre langue ne renferment aucun sens défini, ou cette confusion de l’idéalisme et de l’idéologie est l’aveu le plus formel d’ignorance qu’il soit possible d’enregistrer. Il confond constamment la théodicée, c’est-à-dire la notion philosophique de Dieu et de ses attributs, avec la théologie, c’est-à-dire avec la notion révélée de Dieu. Grâce à cette confusion, il n’a pas de peine à excommunier tous les philosophes; remercions-le de ne pas les dévouer au bûcher.

Qu’est-ce donc que ce livre? Est-ce une histoire? Assurément non; Est-ce un pamphlet? Je répugne à le croire. Je ne veux pas mettre en doute la sincérité de l’auteur. C’est tout simplement une longue déclamation contre les facultés humaines, qui pourtant nous viennent de Dieu. Si l’on prend la peine d’examiner à loisir la question ainsi posée, on est amené à conclure que M. Nettement s’est rendu à son insu coupable d’impiété. Le but secret ou avoué de son histoire, peu importe, c’est de nous ramener au régime du moyen âge, de naturaliser chez nous l’immobilité égyptienne ou chinoise. Est-ce là comprendre la Providence telle qu’elle est définie dans l’Évangile? Pour moi, je ne le pense pas, et j’invoquerais au besoin les plus savans docteurs de l’église. La pensée n’est pas moins sainte que la prière, car la pensée nous vient de Dieu; le Créateur n’aurait pas donné à l’homme la curiosité, s’il avait voulu lui interdire la science. Savoir n’est pas ennemi de croire. L’ignorance et la haine de la science, quoi qu’on dise et qu’on fasse, ne seront jamais un encens agréable à Dieu.


GUSTAVE PLANCHE.