mais on ne peut nier les avantages spéciaux que présente cette voie et les services qu’elle rendrait comme complément du canal. Le trafic à desservir est assez considérable pour alimenter deux voies; le service des voyageurs, celui des marchandises de prix, la correspondance des bateaux à vapeur rapides, se feraient par le chemin de fer; les bâtimens à voiles ou mixtes, les bateaux à vapeur lents, prendraient le canal. Chaque trafic serait ainsi desservi de la manière la mieux appropriée à sa nature. Dans ce cas, il faudrait ajouter à l’évaluation de la dépense du canal, pour les 400 kilomètres de chemin de fer à exécuter entre Alexandrie et Suez, une somme qu’on peut évaluer au plus à 100 millions. L’exécution simultanée d’un chemin de fer et d’un canal, y compris les travaux à exécuter pour l’établissement ou pour le perfectionnement des ports et des rades dans l’une et l’autre mer, entraînerait donc une dépense totale de 260 à 300 millions.
Les adversaires de toute entreprise de ce genre soutiennent que les avantages qu’on peut en retirer ne seront jamais en proportion avec une telle dépense. Les raisons alléguées à l’appui de cette opinion ont été indiquées et discutées plus haut : je n’y reviendrai pas. Dès qu’on admet que le canal est possible, que la Mer-Rouge est praticable, ces objections disparaissent d’elles-mêmes, et on se trouve en présence de chiffres tellement significatifs, qu’ils excluent toute discussion.
Dans un travail plein d’intérêt publié ici même[1], M. J.-J. Baude a exposé les avantages qu’on peut attendre de l’exécution du canal de l’isthme. Cela me dispense d’entrer sur ce point dans aucun détail, et je me bornerai à rappeler ici quelques résultats généraux.
L’abréviation de la distance entre Ceylan et les ports de l’Europe serait d’environ moitié pour tous les ports situés dans l’Océan, et des deux tiers pour ceux situés dans la Méditerranée. Si, au lieu de prendre Ceylan comme point de comparaison, on prenait Bombay, un point situé dans le golfe d’Oman, sur la côte orientale d’Afrique, ou dans la Mer-Rouge, l’avantage serait beaucoup plus grand encore. M. J.-J. Baude évalue comme il suit le trafic actuel entre les ports de l’Europe et les Indes :
Grande-Bretagne | 1853 | 1,380,655 tonnes. |
Hollande | 1852 | 286,151 |
France | 1853 | 139,792 |
Espagne | 1850 | 11,517 |
Total | 1,768,115 tonnes. |
- ↑ Voyez la livraison du 15 mars 1855.