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autres parties de la Mer-Rouge, la direction du vent, mais ils sont moins marqués.

Dans la saison la plus défavorable, c’est-à-dire en juillet et août, le navire l’Euphrate a mis pour aller de Moka à Suez trente-six jours en 1832, et trente-deux jours en 1836. M. Rogers estime qu’un navire bon marcheur doit gagner 31 milles par jour, en louvoyant de Moka à Suez. D’après le capitaine Moresby, la traversée de Suez à Jiddah exige au moins dix jours dans la saison favorable, et au plus vingt jours dans la saison défavorable.

Ces résultats prouvent que la Mer-Rouge est navigable dans toutes les saisons et sans grande difficulté; mais l’emploi des remorqueurs à vapeur, si cette mer devenait un jour la route des Indes, rendrait cette navigation plus prompte et plus sûre, en facilitant en hiver la sortie du détroit de Bab-el-Mandeb, et en toute saison la remonte de la mer de Suez, depuis Râs-el-Mohammed. Au reste, il importe au plus haut point de remarquer que le changement des vents régnant dans la Mer-Rouge coïncide de la manière la plus heureuse avec le renversement des moussons dans la mer des Indes. C’est en effet de mai en septembre que les vents de la région du nord règnent dans la Mer-Rouge; or c’est aussi de mai en octobre que règne dans la mer des Indes la mousson du sud, favorable pour aller aux Indes et en Chine. A l’époque favorable pour la remonte de la Mer-Rouge, c’est-à-dire d’octobre en avril, la mousson du nord, qui commence en novembre et finit en avril, favorise également le retour des navires dans la mer des Indes. Pour l’aller comme pour le retour, la combinaison des vents régnans est, on le voit, très favorable pour les voyages à Calcutta et dans les mers de la Chine. Ajoutons que dans cette direction les navires trouvent en toute saison des vents favorables pour la côte indienne du golfe d’Arabie, des bouches de l’Indus au cap Comorin, pour l’île de Ceylan, pour les îles de la Sonde, les Célèbes, les Moluques, etc.

Si donc le canal des deux mers était exécuté, la navigation de la Mer-Rouge ne mettrait aucun obstacle à l’adoption de cette voie pour les voyages de l’Inde et de la Chine; la disposition des vents régnans dans cette mer est au contraire très favorable à la rapidité des communications entre l’Europe et ces contrées. La seule objection fondée qu’on puisse faire contre cette direction, c’est l’inconstance des vents dans la Méditerranée et les retards que cause souvent le passage du détroit de Gibraltar. Cette dernière difficulté peut être levée, comme pour le détroit de Bab-el-Mandeb, par l’emploi des remorqueurs; quant à l’autre, elle est inévitable, et il ne faut pas perdre de vue qu’elle est bien compensée dans la route actuellement pratiquée par