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et qui n’y rattacherait pas la capitale de l’Egypte, son port unique sur la Méditerranée et la navigation du Nil. Il y a en effet de si grands avantages matériels et politiques pour cette nation à ce que le canal maritime traverse le Delta et relie le Caire et Alexandrie; l’avenir, la puissance de l’Egypte se rattachent d’une manière si étroite à la direction de cette grande voie, qu’il ne faut pas s’étonner de cette opposition, et qu’il convient au contraire de la prévenir et de s’en préoccuper, car elle est fondée sur des motifs très légitimes. Très heureusement au reste la nature des choses se trouve ici parfaitement d’accord avec les intérêts et les désirs du gouvernement égyptien, puisque le tracé par Alexandrie est le seul praticable, le seul qui puisse avoir un résultat certain.

Je n’ai dissimulé aucune des difficultés que présente ce tracé, mais je crois avoir démontré que la solution de ces difficultés n’est qu’une affaire de temps et d’argent, et qu’elles ne sont pas au-dessus des ressources actuelles de l’art de l’ingénieur; ce projet est donc praticable. Il n’est d’ailleurs pas douteux qu’on ne puisse établir dans les deux mers une embouchure convenable; Suez possède une excellente rade foraine qu’il est facile d’abriter par des ouvrages bien disposés; celle d’Alexandrie est une des plus belles rades fermées qui existent. Le succès de cette grande œuvre est assuré, si elle est entreprise, sur des bases convenables. J’ai cherché à évaluer la dépense de ce grand projet sans illusions comme sans exagération, et si je suis arrivé à un chiffre beaucoup plus élevé que celui de mes devanciers, c’est que j’ai supposé le canal établi sur des bases beaucoup plus larges, de manière à satisfaire tous les besoins de la grande navigation. Le chiffre de 200 millions fût-il dépassé, il s’agit ici d’un si grand intérêt, que, même en mettant de côté les produits directs qu’on peut tirer d’un tarif de navigation, les avantages que les nations commerçantes du globe réaliseraient par l’exécution de cette grande entreprise seraient encore hors de toute proportion avec les dépenses.


X. — DES OBJECTIONS SOULEVÉES PAR LE PROJET DE CANAL.

Il me reste à apprécier les objections auxquelles a donné lieu le projet du canal des deux mers, et derrière lesquelles se retranchent les oppositions sincères ou intéressées que ce projet a soulevées. Ces objections se divisent en deux catégories distinctes, les unes portant sur les difficultés que présente l’exécution et sur celles qu’entraînerait l’entretien du canal, une fois exécuté, les autres mettant en question l’utilité même de cette entreprise.

En ce qui concerne l’impossibilité d’établir un bon port dans la