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générale ont été faites, l’une par le nivellement de Suez au Caire, par la route des Indes, l’autre par un deuxième nivellement à grands coups de la Méditerranée à la Mer-Rouge.

La première de ces vérifications a donné pour la cote du Caire une différence de 7 centimètres seulement; la seconde, faite rapidement et à grands coups, présente une différence de 58 centimètres entre Suez et Tineh, et aurait pour résultat d’abaisser encore d’autant le niveau de la Mer-Rouge. Ce nivellement, étant fait avec beaucoup moins de soin que le nivellement principal, mérite moins de confiance; mais, tel qu’il est, il suffit pour en démontrer l’exactitude. On doit donc admettre, jusqu’à démonstration contraire résultant d’opérations faites avec le même soin et par des opérateurs aussi exercés : 1° que la basse mer du 8 décembre 1847 à Tineh étant prise pour point de départ, la basse mer du 25 novembre à Suez n’était que de 3 centimètres au-dessus de ce niveau; or la marée du 8 décembre ayant été à Tineh de Om38, et celle du, 25 novembre à Suez de 1m95, la cote de la mer moyenne serait à Tineh de 0m19, à Suez de 0m 99 : la différence entre les niveaux moyens des deux mers serait donc de 0m 80, comme je l’ai indiqué plus haut; 2° que le niveau des basses eaux du Nil, au meqyas du Caire, est de 13m27 au-dessus de la basse mer du 8 décembre à Tineh.

On a cherché, je le sais, à contester ce résultat par des considérations théoriques; mais les opérations de 1847 ont été faites avec un tel luxe de précautions et de vérifications et par des agens si expérimentés, qu’elles sont à l’abri de toute contestation qui ne reposerait pas sur une nouvelle série d’opérations faites avec le même soin et la même habileté. Si les considérations théoriques étaient de quelque valeur en présence d’un fait matériel aussi bien constaté, je pourrais me prévaloir à mon tour d’une autorité qui, en pareille matière, en vaut bien une autre, celle de l’illustre Laplace, qui a toujours nié comme impossible la différence de niveau entre les deux mers résultant des opérations de 1799. Comment s’étonner d’ailleurs que ces opérations, interrompues à plusieurs reprises par les mouvemens militaires, faites rapidement à grands coups de niveau par des opérateurs divers, en grande partie avec des instrumens imparfaits et sans aucune vérification, n’aient donné que des résultats incertains ou erronés? M. Lepère lui-même, l’ingénieur en chef qui les dirigeait, s’exprime ainsi à ce sujet[1] : « Pressés par le temps, inquiétés par les démonstrations hostiles des tribus arabes, obligés de suspendre à plusieurs reprises l’opération, forcés enfin d’exécuter au niveau d’eau une grande partie de ces nivellemens, mis dans

  1. Description de l’Egypte, t. II.