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M. Lepère supposait la Mer-Rouge introduite dans le bassin des lacs amers au moyen d’une tranchée suffisante pratiquée dans le seuil de Suez ; la brandie orientale, dont l’origine était dans le bras de Moèze, près de l’emplacement de l’ancienne Bubastis (aujourd’hui Tell-Basta), et par conséquent sur un point très voisin de la prise d’eau du canal des pharaons, débouchait dans les lacs amers près de Serapeum. Dans ce projet, cette branche ne comportait que deux écluses, l’une placée à l’entrée du bassin des lacs, du côté de Suez, destinée à rendre le niveau du bassin indépendant des variations de la Mer-Rouge ; l’autre, placée près de Ras-el-Ouady, divisant la branche orientale en deux biefs à alimentation indépendante. Ces dispositions devraient être entièrement modifiées par suite des opérations de 1847, et plusieurs écluses seraient nécessaires pour racheter la hauteur d’environ 7 mètres, dont les basses eaux du Nil à Tell-Basta dépassent le niveau de basse mer.

La branche occidentale, composée de deux biefs terminés chacun par une écluse, débouchait d’une part dans le lac Maréotis, et de l’autre dans le lac Madieh, la navigation continuant à travers ces lacs, soit vers Alexandrie, soit vers la rade d’Abouqyr.

Ce projet a été modifié heureusement par M. Linant de Bellefonds, ingénieur en chef au service du pacha d’Egypte, qui en a subordonné les dispositions à l’exécution du barrage, alors projeté et depuis plusieurs années en cours d’exécution en tête du Delta. Ce barrage, dont j’ai déjà parlé, devait avoir pour résultat de relever notablement les eaux du Nil en amont ; il était donc naturel de prendre la retenue ainsi formée pour le point de partage des deux branches du canal, dirigées de là l’une vers Alexandrie, l’autre vers l’Ouady-Toumilat et la Mer-Rouge. M. Linant supposait le bassin des lacs amers rempli par les eaux du Nil ; il donnait au canal 3m52 de tirant d’eau en tout temps, et distribuait la pente à racheter pour chaque branche, d’après les cotes de 1799, entre six écluses.

Basé, comme on voit, sur l’exécution du barrage du Nil, ce projet est convenablement disposé d’après les niveaux attribués aux eaux du Nil et aux deux mers. Les niveaux réels entraînent le remaniement du profil du canal : le tirant d’eau est insuffisant pour un canal maritime ; mais la disposition générale du tracé est à peu près ce qu’il y a de mieux à faire, sauf toutefois qu’au lieu de placer près du Caire la prise d’eau de la branche orientale, il est indispensable de la transporter immédiatement en amont du barrage. La disposition adoptée par M. Linant aurait deux inconvéniens : l’un, d’allonger sans nécessité et même sans utilité le parcours de 60 kilomètres ; l’autre, bien plus grave, de subordonner la navigation à toutes les difficultés que peut présenter le lit du Nil entre le barrage et le Caire. Il sera