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l’époque où elles ont été déposées, le niveau le plus élevé des eaux douces qui remplissaient le bassin différait peu de celui de la haute mer. En second lieu, c’est le gypse qui forme la plus grande partie des cristallisations qu’on remarque dans le bassin, et ce gypse provient, non de la mer, mais du sol même du bassin, où il est extrêmement abondant. Quant aux autres sels et aux eaux amères qui en occupent aujourd’hui, comme il y a trente siècles, la partie inférieure, ils ne sauraient être attribués qu’à des sources salines qui ont reparu dès que les eaux douces ont cessé d’y affluer. Comment expliquer autrement l’existence de cette nappe d’eau dans un lieu où il pleut si rarement, et pourquoi, en supposant que ces eaux proviennent de la mer, ne se seraient-elles pas évaporées comme le surplus de celles qui remplissaient le bassin ?

L’existence des laisses de coquillages, les restes très caractérisés d’une jetée qui se trouve au sud du bassin prouvent catégoriquement que le bassin a été rempli. Les renseignemens que les historiens nous ont laissés témoignent tous qu’il a été rempli par les eaux douces, et on ne saurait en trouver un seul en faveur de la libre communication avec la mer; pour tout esprit non prévenu, ces preuves me paraissent suffisantes, et je crois inutile d’y insister. J’ajouterai seulement que lors même qu’il serait démontré que le bassin a été envahi par la mer après l’abandon du canal par les Arabes, cela ne prouverait en aucune façon qu’il n’ait pas été avant cette époque pendant longtemps, et à plusieurs reprises, occupé par les eaux du Nil.

Essayons maintenant de nous rendre compte du régime du canal aux diverses époques où il a été en activité.

En premier lieu, le plafond du canal de Suez étant à 1 mètre au-dessus de la basse mer, il en résulte que le tirant d’eau dans cette partie ne pouvait guère excéder 2 mètres. Le point le plus bas du seuil de Suez est en effet à 3 mètres environ au-dessus de la basse mer, et si le niveau des eaux dans le bassin des lacs avait excédé cette hauteur, il eût été indispensable d’empêcher par une digue l’écoulement vers la mer. Si cette digue avait été élevée de plusieurs mètres, il en resterait des traces; mais, en la supposant de 2 mètres à 2m 50, il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’elle eût disparu. Toujours est-il que si le niveau du bassin a excédé la cote de 3 mètres, ce ne peut être de beaucoup, et que, selon toutes les apparences, il devait osciller, en hautes eaux, entre 3 et 4 de mètres au plus.

Cela posé, si on veut se reporter à l’époque de Rhamsès II, la cote du Nil, étant, comme je l’ai indiqué, à la prise d’eau de Bubastis, de 5 mètres en basses eaux et de 9 mètres en hautes eaux, excédait de 1 à 2 mètres dans le premier cas et de 5 à 6 mètres dans le second le niveau du bassin des lacs. Avec les données et les