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peut en dire autant du Patumos d’Hérodote, et probablement aussi de Clysma, ou du moins de l’une des villes de ce nom.

Je ne vois donc aucune bonne raison de douter que le canal a été mis à fin une première fois par Darius 500 ans avant l’ère chrétienne, et qu’ayant été abandonné pendant les longues guerres et les invasions multipliées qu’a subies l’Egypte, il a été rétabli par les Ptolémées. Les assertions d’Aristote et de Diodore, qui attribuent à la Mer-Rouge un niveau plus élevé que celui de l’Egypte, peuvent d’ailleurs très bien se concilier avec l’état des lieux, tel qu’il est aujourd’hui constaté. Le sol des terrains bas qui environnent le lac Menzaleh est très peu supérieur au niveau de la Méditerranée. Les marées ordinaires de la Mer-Rouge, s’élevant de 2 mètres au-dessus de ce niveau, dépasseraient, comme l’indique Pline, d’environ 3 coudées le niveau d’une assez grande partie des terrains du Delta. Il est bien probable d’ailleurs que le niveau des eaux dans le bassin des lacs amers, supérieur à la Mer-Rouge pendant les hautes eaux, s’abaissait de beaucoup dans la saison de l’étiage, car il devait être difficile d’amener dans ce bassin, sans appauvrir trop la branche pelusiaque, une quantité d’eau suffisante pour compenser les pertes considérables résultant de l’évaporation. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que les eaux douces une fois parvenues dans le bassin des lacs amers, on ait été arrêté dans le projet de pousser le canal jusqu’à la Mer-Rouge par la crainte de faire pénétrer, dans la saison de l’étiage, les eaux salées dans le bassin des lacs, ou même au-delà, en suivant le canal, et que cette crainte ait suspendu les travaux jusqu’à ce qu’on ait trouve un moyen d’empêcher cette communication sans nuire à la navigation.

Les opinions sont beaucoup mieux fixées sur les vicissitudes qu’a subies le canal de Suez dans les temps plus récens. On est d’accord que, sous Trajan peut-être et plus probablement sous Adrien (120 ou 130 ans après Jésus-Christ), un canal fut commencé, partant du Caire et se dirigeant vers l’Ouady-Toumilat, dans la pensée de rétablir avec une nouvelle prise d’eau, placée sur le fleuve et non sur une de ses branches, la communication du Nil avec la Mer-Rouge. Il est probable que l’encombrement de la branche pelusiaque fut la cause première de cette tentative, dont les résultats sont mal connus.

Ce canal, commencé près de la Babylone d’Egypte (le Caire), fut exécuté jusqu’à Pharbœtis (Belbeys), où il allait rejoindre l’ancien canal. Bien loin de prouver que l’ancien canal était abandonné, ce fait prouverait au contraire qu’il existait et qu’il était praticable, mais qu’on avait reconnu la nécessité de reporter la prise d’eau au-dessus de la bifurcation du Nil, et d’abandonner la branche pelusiaque.