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sans doute cet avancement si rapide, car c’est lui qui dirige depuis le commencement tous les travaux de la défense de Sébastopol. Mais aussi plus sérieuse a été l’attaque, plus il revient d’honneur aux assiégés. Parmi ceux-ci, il faut distinguer les Égyptiens, qui ont construit, armé et défendu l’ouvrage appelé, d’après eux, fort des Arabes, Arab-Tabia, ouvrage de fortification passagère, ouvert à la gorge, armé de neuf pièces de canon seulement, dépourvu de tout revêtement, et contre lequel cependant vint se briser le principal effort des assaillans. Les Russes l’ont battu avec des masses d’artillerie considérables, ils ont plusieurs fois bouleversé ses épaulemens par la mine, par les bombes, par les boulets; ses défenseurs l’ont toujours relevé. Il faut citer encore les Albanais Myrdites, catholiques latins, qui ont déployé une intelligence et une ténacité merveilleuse dans la guerre d’embuscade et de chicane qui s’engagea tout autour de ce point si chèrement disputé. Parmi les hommes, il faut nommer Moussa-Pacha, le colonel Grach et deux officiers anglais de l’armée de l’Inde, MM. Butler et Nasmyth, qui avaient profité d’un congé pour venir faire la guerre sur les bords du Danube. Le premier, capitaine au régiment des chasseurs de Ceylan (Ceylon riflemen), fut tué d’une balle au front sur le rempart même d’Arab-Tabia, à la défense duquel il concourut de la manière la plus brillante. Un de ses frères, officier dans l’armée de la reine, a été tué à la bataille d’Inkermaa. M. Nasrayth,. capitaine d’infanterie dans l’armée de Madras, s’était voué aussi à la défense d’Arab-Tabia, et en même temps qu’il prenait part à l’action, il rédigeait la correspondance du Times. Les brillans services qu’il a rendus en cette occasion lui ont valu le rang de major dans l’armée de la reine. On assure que les journaux anglais comptaient cinq correspondans enfermés, pendant le siège, dans les murs de Silistrie.


III.

Ainsi, par terre comme par mer, l’ennemi se dérobait; l’armée russe quittait en hâte la rive gauche du Danube, elle évacuait les principautés, elle menaçait de se retirer dans les profondeurs de la Bessarabie, et sa flotte, toujours immobile sur ses ancres au fond de la rade de Sébastopol, se laissait bloquer sans même avoir l’air de prendre garde à nos croiseurs. Que faire? quelle conduite tenir? quelle entreprise tenter ?

Sur ce point, je le sais, les avis ont été et sont encore très partagés. Cependant, malgré tout ce qui est arrivé, malgré les lenteurs, les incertitudes et les cruelles épreuves du siège de Sébastopol, il semble que l’on doive dire encore que ce que l’on a fait était ce qu’il y