au milieu de cette grande société qu’on appelle le genre humain. C’est ce qui ressort clairement de l’étude des siècles du moyen âge, lorsque l’Italie remplit si glorieusement cette fonction d’enseignement qui est la sienne aux Xie et XIIe siècles, à l’époque de ses grands docteurs; quand la France est le bras droit de la chrétienté et porte l’épée levée pour la défendre contre tous; quand l’Espagne et le Portugal, avec leurs flottes, vont au-devant de ces nations attardées qui n’ont pas encore vu luire la lumière de la civilisation chrétienne. Voilà la destinée, le caractère de ces nationalités transformées comme elles devaient l’être par le travail intérieur du christianisme.
On le voit donc, tout contribue déjà à produire, à développer le génie individuel, le génie original de chacune des grandes provinces de l’empire romain. Il me reste maintenant à insister en particulier sur chacune de ces trois grandes provinces qui devaient être un jour l’Italie, la France et l’Espagne, et qui déjà, à quelques égards, en portaient les marques.
L’Italie était, de toutes, celle qui devait le mieux conserver son caractère historique : elle était leur ainée de beaucoup; elle vécut plus longtemps sous la même discipline, et les résistances de la guerre sociale avaient eu le temps de s’assoupir. Elle garda donc l’empreinte de ces deux grands caractères qui s’étaient montrés chez elle dès les commencemens de sa civilisation, — le caractère étrusque et le caractère romain, le génie de la religion et le génie du gouvernement.
Les Étrusques, qui étaient par-dessus tout un peuple religieux, communiquèrent aux Romains leurs traditions, leurs cérémonies, l’usage des auspices et tout ce qui imprima au gouvernement de la ville éternelle ce caractère théocratique dont il ne se dépouilla jamais. Rome a apporté dans les affaires ce bon sens qui devait la rendre maîtresse du monde, elle a tout marqué au sceau de cette politique éternelle dont le puissant souvenir n’est pas encore effacé. Ainsi il ne faudra pas s’étonner de voir ces deux caractères, le génie théologique et le génie du gouvernement, persister dans le caractère italien des temps modernes. L’Italie ne produisit pas d’hérésies : c’est là un des signes de ce bon sens dont elle était profondément pénétrée et qui l’a préservée des subtilités de la Grèce et des rêves de l’Orient. Toutes les erreurs venaient, les unes après les autres, chercher à Rome la vie et la popularité, et n’y trouvaient que l’obscurité, l’impuissance et la mort. Rome intervient dans le grand débat de l’arianisme, et c’est alors elle qui sauve la foi du monde : d’un bout à l’autre de la péninsule des théologiens illustres se lèvent pour défendre l’orthodoxie, Ambroise de Milan, Eusèbe de Verceil, Gaudence et Philastre de Brescia, Maxime de Turin, Pierre Chrysologue de Ravenne, et plusieurs autres qu’il serait trop long de rappeler. Au-dessus de tout ce mouvement théologique plane la papauté, — la papauté héritière de l’esprit politique des anciens Romains, c’est-à-dire de leur persévérance, de leur bon sens, de leur puissance, de leur manière d’entendre ce qui est grand, de leur connaissance de l’art de triompher dans les choses d’ici-bas. Seulement, elle a cela de plus que les anciens Romains, qu’elle est désarmée, qu’elle n’a ni louve ni aigle sur ses étendards, et qu’elle manie une puissance autrement grande que celle de l’épée, — celle de la parole.
Au moment où le gouvernement du monde échappe aux mains débiles des