insurrection toute révolutionnaire, avec un mélange de scènes grotesques et d’incidens terribles qui est en quelque sorte le signe particulier de ce temps-là, et ce mouvement patriotique, si noblement annoncé, va finir, comme une vulgaire émeute, sous le canon du prince Windischgraetz.
Pendant ces trois mois de luttes et de périls, la conduite de M. Palacky a été telle qu’on devait l’attendre de son intelligence et de son patriotisme. M. Palacky comprit un des premiers que l’existence de l’Autriche était nécessaire aux intérêts des Slaves de Bohême. Au moment où tous les liens de l’empire semblaient à demi brisés, à l’heure où les Magyars commençaient à élever la voix, et où l’Italie frémissante secouait déjà son joug, les patriotes de Prague, dociles aux conseils de leur chef, s’attachaient plus ardemment que jamais à la cause de la monarchie autrichienne. Il fallait que ce fût une monarchie renouvelée, une monarchie libérale et ouverte au travail légitime de l’esprit de race ; il fallait surtout que l’Autriche ne se laissât pas entraîner au sein de cette grande unité qui était le but de la révolution allemande. Au premier appel des législateurs de Francfort, M. Palacky répond par une lettre qui est le plus franc et le plus loyal des manifestes. Le comité des cinquante, réuni à Francfort pour préparer la convocation du parlement national, avait cru devoir inviter M. Palacky à partager ses travaux. « Je vous remercie, messieurs, disait le publiciste bohème. On m’a souvent accusé d’être l’ennemi de l’Allemagne ; l’appel que vous m’adressez aujourd’hui est pour moi une éclatante justification, et toutefois je ne puis y répondre, ni de ma personne, ni par l’envoi d’un délégué. Quel est le but de votre réunion ? Vous voulez substituer le congrès des peuples allemands au congrès des souverains : noble tâche, mais plus je l’admire et la respecte, moins j’ai le droit d’y prendre part. Je ne suis pas Allemand, je suis un Slave de Bohème, et si la Bohème fait partie de l’Allemagne, c’est seulement par l’entremise des royautés ; jamais le peuple tchèque n’a rien eu de commun avec la nation germanique. En second lieu, un des résultats de vos efforts, ce sera infailliblement d’affaiblir l’Autriche en tant que monarchie indépendante, bien plus, de la rendre impossible. Or l’indépendance et la force de l’Autriche ne sont pas seulement indispensables à mon peuple, elles intéressent l’Europe entière et la civilisation elle-même. Prêtez-moi, je vous prie, votre attention. Vous savez quelle est cette puissance colossale qui occupe tout l’orient de notre Europe ; presque inattaquable sur son propre sol, on la voit déjà menacer la liberté du monde et tendre à la monarchie universelle. Cette monarchie universelle, bien qu’elle s’annonce au profit des peuples slaves, moi, Slave de cœur et d’âme, je la regarderais comme un mal effroyable,