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histoire, toute remplie de révélations précieuses. M. Palacky a-t-il raison ? Je ne sais. Il explique fort bien comment Charles IV devait déplaire aux Allemands ; il cite les deux écrivains qui ont contribué, entre tous les autres, à déshonorer la mémoire du fils de Jean de Bohême : le premier est un chroniqueur du XIVe siècle, Mathias de Neuenbourg ; le second, Olenschlager, est un historien du XVIII. Mathias de Neuenbourg a contre le roi des Tchèques toutes les passions d’une race ennemie ; Olenschlager juge le souverain du moyen âge avec les exigences philosophiques d’un contemporain de Voltaire. Or, si l’on en croit M. Palacky, tous les historiens qui, dans ces derniers temps, ont eu à juger Charles IV, n’ont fait que répéter Olenschlager ou Mathias de Neuenbourg ; Charles IV attend encore en Allemagne un biographe sincère et un juge impartial. Je n’ai pas qualité pour décider ces questions, il faudrait pouvoir confronter les documens tchèques avec les accusations des écrivains allemands. ; mais le jugement même de M. Palacky est un fait qui doit être signalé à la science historique de notre âge. La Bohème entière, par un respect qui dure depuis cinq siècles, et l’historien des Tchèques, par ses éloquentes peintures, protestent contre un arrêt qu’ont rendu d’implacables ennemis. Que vous semble d’un tel incident ? N’est-ce pas pour vous un trait de lumière ? N’y a-t-il pas lieu du moins de réviser le procès ?

Nous voici enfin à une époque décisive. Au XIIIe siècle, avec Ottocar II, nous avons vu la Bohème sortir de ses frontières ; avec Charles IV, elle est devenue le centre même de l’empire ; le XVe siècle commence, elle va maintenant se révéler à toute l’Europe et donner le signal des révolutions modernes.

L’histoire de Jean Huss et de la guerre des hussites est traitée par M. Palacky avec un soin spécial. Ce sont encore des rois de Bohème, les deux fils de Charles IV, Wenceslas d’abord et Sigismond ensuite, qui président aux destinées de l’Allemagne et prennent part à la politique de l’Europe pendant cette redoutable crise. Le tableau du peintre serait-il exact, s’il n’embrassait à la fois et l’histoire parti culière de la Bohême et le mouvement de l’Europe entière ? M. Palacky n’a pas manqué à sa tâche. Le règne si mal connu de Wenceslas IV[1] nous apparaît ici sous une lumière inattendue. Quelle odieuse figure que celle de ce Wenceslas, si l’on ajoute foi aux récits

  1. La plupart des historiens, en France et en Allemagne, l’appellent Wenceslas VI ; c’est qu’ils comptent parmi les rois Wenceslas Ier (saint Wenceslas) et Wenceslas II, qui vécurent, l’un au Xe siècle, l’autre au XIIe, et ne furent en réalité que des ducs de Bohême. Le premier Wenceslas qui ait eu le titre de roi est Charles-Wenceslas, dit Wenceslas Ier, fils d’Ottocar Ier et père d’Ottocar II ; puis vient Wenceslas II, fils d’Ottocar II, et Wenceslas III, en qui s’éteint la dynastie des Prémysl. Weneeslas, fils de Charles IV et petit-fils de Jean de Bohème, doit donc s’appeler Wenceslas IV.