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des empires jusque et y compris le royaume de Bohême, — et enfin de l’histoire hiérarchique ou de l’église depuis le sacerdoce israélite jusqu’aux papes de Rome et aux évêques de Prague. Il y a dans tout cela un naïf et impuissant effort de coordination historique. C’est comme un souvenir confus de cette cité de Dieu et de cette cité des hommes dont parle saint Augustin, et qui devait être un jour, sous la plume de Bossuet, le majestueux tableau de l’église opposé au dramatique mouvement des empires.

Tout dévoué qu’il est à son œuvre, M. Palacky n’est pas homme à négliger ces détails, qui rattachent ses travaux à la littérature générale de l’Europe, et en y insistant après lui, c’est encore son esprit que je crois peindre. L’étude que lui offrait Sylvius Œneas était aussi une bonne fortune. On sait quel rôle a joué ce spirituel diplomate dans les affaires européennes, on sait avec quelle attention intelligente il a suivi et raconté les événemens de XVe siècle ; et lorsqu’il proclame que nul autre royaume de son temps ne présente à l’observateur autant de catastrophes, de guerres, de révolutions et de choses miraculeuses que le royaume de Bohême, c’est là, au profit de l’importance historique de ce pays, un témoignage qu’un écrivain patriote ne devait pas négliger. Sylvius Œneas écrivit son ouvrage aux bains de Viterbe, peu de temps avant d’être élu pape sous le nom de Pie II ; il le dédia à cet Alphonse V, roi de Naples et d’Aragon, que l’histoire a surnommé le Magnanime, et qui avait une prédilection si vive pour les historiens et les poètes. « Je te dédie, lui disait-il, cette histoire de Bohème, que j’espère conduire, avec l’aide de Dieu, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Les choses anciennes y sont dignes de mémoire, mais ce sont les plus récentes surtout qui sont les plus glorieuses. »

À cette galerie des historiens de la Bohême, galerie où tous les portraits (je n’ai pu en signaler qu’un petit nombre) ont un charme qui leur est propre, M. Palacky a joint les récits anonymes, les livres des couvens, les annales des abbayes, des églises, des universités, les biographies des hommes illustres, entre autres celle de l’empereur Charles IV, rédigée par lui-même, et puis maintes légendes des saints nationaux, la vie de saint Wenceslas, de sainte Ludmila, de saint Adalbert, de saint Procope, sans oublier les traditions moraves sur saint Cyrille et saint Méthode, les deux missionnaires byzantins qui portèrent le christianisme chez les Slaves. C’est ainsi que cette étude, préparation excellente pour l’auteur et préface de son grand ouvrage, est devenu un tableau d’histoire littéraire où l’art et la science s’unissent très habilement, et tel qu’on en pourrait souhaiter un à toutes les littératures européennes. Le jour où nous aurons sur les historiens de chaque pays une étude semblable à celle-là,