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convictions et pour les pratiques religieuses. Je dois dire toutefois qu’au retour de la ville sainte, en cette même année 1851, les chiffres du personnel dévot étaient complètement renversés, et en même temps un peu augmentés : les sujets du sultan y figuraient pour 1,800 environ, et les Persans pour 3 ou 400 seulement. Cela devait tenir à ce que les Persans, qui n’avaient pas pu se rendre à La Mecque par le golfe Persique et dès lors par mer à cause de la mousson contraire, avaient pensé à s’en retourner par mer, en profitant de la mousson favorable. Un grand nombre de chameaux s’était donc trouvé disponible à bas prix pour le retour, et des musulmans des pays au nord de Damas, qui étaient allés à La Mecque par mer et dans l’été, étaient revenus par terre pour éviter les coups de vent de l’automne dans la Méditerranée.

Cette tendance à prendre la voie de mer, qui s’est emparée des dévots musulmans, doit avoir pour conséquence de réduire avant longtemps la caravane de Damas aux seuls fonctionnaires auxquels la conduite en est confiée. Ce sera alors comme un vieux monument, très respectable, j’en conviens, pour les musulmans, mais très inutile, et dont l’entretien ne coûtera pas moins une somme considérable chaque année. On comprend, à vrai dire, que la Porte cherche à conserver ce vieil usage le plus longtemps possible sur son territoire spécial, et qu’elle hésite à s’en dessaisir au profit tout particulier de l’Egypte. L’étendard du prophète lui appartient par transmission directe; elle ne doit le confier qu’à un pacha de sa dépendance la plus complète; elle ne doit en outre le laisser déployer que sur son sol, que dans son air à elle. Peut-être trouve-t-elle d’ailleurs un certain orgueil à voir des Persans, des chiites, se ranger un instant sous la bannière d’Abou-Becker. Néanmoins tous ces avantages, il ne faudrait les obtenir qu’à un prix raisonnable, et si la Porte cherchait bien, elle trouverait, je crois, des moyens pour tout concilier. Au nombre de ces moyens doit être comptée en première ligne une route qui permettrait de faire un tiers du voyage par terre et deux tiers par mer. Il faudrait pour cela que la caravane, en partant de Damas, se rendît directement à Akaba, aux bords de la Mer-Rouge, sur le golfe frère jumeau du golfe de Suez. Les pèlerins pourraient s’y embarquer pour La Mecque, comme ils s’embarquent à Suez pour la même destination. Ce qui est possible à droite ne doit pas en effet être impossible à gauche. A Suez, dira-t-on, les pèlerins s’embarquent sur de misérables barques arabes, et il ne serait pas de la dignité de la Porte qu’un de ses pachas portant la bannière sacrée de l’islamisme voyageât ainsi; mais qui empêcherait la Porte d’avoir une corvette à vapeur dans la Mer-Rouge pour venir à Akaba prendre, après quinze