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rocher a été mille fois occupé, abandonné, reconquis. C’est dans ces combats perpétuellement renouvelés que s’est formé, que s’est trempé le caractère des Romains. C’est dans des expéditions à peine dignes du nom de guerre qu’ils ont appris à conquérir l’univers. Sans doute on peut suivre sur la carte tout le détail de ces combats et y mesurer par les distances combien les Romains étaient proches de leurs ennemis; mais on a un sentiment bien plus vif de cette proximité, quand on va soi-même reconnaître le site des villes dont il est tant parlé dans l’histoire des premiers siècles de Rome. Ces villes sont en général à la distance d’une partie de campagne. On peut très souvent en faire le but d’une course du matin et d’un déjeuner sur l’herbe. Ce qui m’a surtout frappé sous ce rapport, c’est Fidène, avant-poste des Étrusques placé sur la rive droite du Tibre, au bord de l’Anio, en face de la vallée de la Cremera, qui conduit à Véies. La situation de Fidène n’est pas douteuse; tous les incidens de la bataille livrée sous Tullus Hostilius, et dans laquelle le général albain trahit Rome, peuvent très bien y être suivis. Le lieu où fut Fidène est maintenant le but d’une mascarade. Une fois par an, les artistes allemands, déguisés de mille manières, s’y rendent en fiacre, à cheval, à pied, et reviennent de même avant le soir. De Fidène, nous le savons par Tite-Live, on voyait un signal sur le Capitole, comme à présent on verrait du même endroit l’illumination de la coupole de Saint-Pierre. Eh bien ! Fidène ne fut conquise qu’au commencement du IV siècle. Il fallut plus de trois cents ans pour venir à bout de ce monticule, situé à deux lieues de Rome; on y envoya une colonie, ce qui n’empêcha pas Fidène de se révolter encore plusieurs fois et de forcer Rome à entreprendre diverses expéditions contre un si formidable ennemi[1].

Parmi les promenades historiques aux environs de Rome, une des plus belles qu’on puisse faire, c’est une visite à l’isola Farnese, située à quelques pas du premier relai sur la route de Florence. L’isola Farnese n’est point une île, mais une hauteur qui domine, du côté de Rome, une magnifique vallée. Sur cette hauteur fut Véies, la grande ville étrusque que les Romains mirent dix ans à réduire. La vallée, qui s’ouvre d’abord si magnifiquement aux regards, se resserre en suite, et presse entre ses bords escarpés une eau qui roule dans un lit profond, sous de sombres ombrages. L’aspect de ce ruisseau, comme son nom, a quelque chose de sinistre : c’est la Cremera, qui va se jeter dans le Tibre au lieu immortalisé par le dévouement et le massacre des Fabius.

Leur histoire fait connaître ce que c’était qu’une grande famille

  1. Les Fidénates ne furent complètement réduits qu’en l’an 330.