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SCENES


ET


RÉCITS DES ALPES





L’HOSPICE DE DE SELISBERG.[1]





I.

Une de ces lourdes barques employées à transporter les voyageurs aux différentes stations qui forment, sur les deux rives du lac de Lucerne, comme une série d’étapes historiques, venait d’aborder au petit port de Bauen. Elle n’avait pour passager qu’un jeune homme parti de Fluelen deux heures auparavant ; il avait d’abord visité le rocher de Tellen-Platte, puis traversé le lac et congédié ses deux bateliers. Maintenant il se dirigeait à pied vers la prairie solitaire où Walter Furst, Arnold Melchthal et Werner Stauffacher avaient autrefois juré de délivrer leur patrie « au nom du Dieu tout-puissant. » Déjà apparaissait sous le Selisberg la pente verte du Grütli. C’est là qu’à la fin du dernier siècle l’abbé Raynal avait proposé d’élever un monument en mémoire des trois libérateurs, à quoi les paysans qui formaient le conseil d’Uri avaient répondu : — Le monument existe ; il est dans nos âmes : c’est l’amour de la liberté !

  1. La série à laquelle appartient ce récit fut commencée peu de mois avant la mort de M. Émile Souvestre. On a ici les dernières pages d’un écrivain dont le souvenir est resté cher aux lecteurs de la Revue. Les autres récits de cette série ont trouvé place dans les livraisons du 1er  décembre 1853 et du 15 février 1854.