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surtout à agrandir et à modifier ceux dont elle est déjà en possession; le second doit tout acquérir.

Nous venons d’indiquer la nature et au moins une des principales causes de la métamorphose et de ses modifications[1]. Est-il besoin d’insister sur les procédés? Qui ne voit que ces phénomènes, si étranges au premier abord, ne sont tous que des transformations, identiques au point de vue général avec celles des vivipares et s’accomplissant par un mécanisme absolument semblable? Epigenèse au début, puis évolution simple ou complexe, voilà ce que nous montre chacun des organes qui viennent s’ajouter à ceux de la larve pour constituer l’insecte, le crustacé, le reptile complet. La formation est évidente; la modification, le développement progressif se passent sous nos yeux quand nous observons ces branchies intérieures et extérieures qui se succèdent et précèdent le poumon chez la grenouille, ces baguettes dorsales qui apparaissent chez le mollusque phlébentéré, ces ailes qui poussent au thorax des insectes, ces anneaux qui viennent s’ajouter chez les myriapodes aux anneaux existant déjà. Voyez disparaître peu à peu chez un têtard les branchies ou la queue, chez un taret l’appareil rotatoire, et sans être naturaliste vous direz : « Voilà des organes qui s’atrophient. » Comparez l’abdomen du jeune crabe à celui de l’animal adulte, l’appareil reproducteur d’une abeille neutre à celui d’une reine-mère, et vous trouverez de vous-même l’expression d’arrêt de développement. Regardez chez les lernées ces pattes d’abord chargées d’agir comme des rames, et qui, changées en une espèce d’ancre, s’enfoncent profondément et fixent l’animal à demeure, et vous admirerez comment la nature approprie un organe déjà existant à un usage tout nouveau. Ainsi dans la métamorphose proprement dite vous retrouverez en tout la transformation.

Pas plus ici que chez les mammifères ces phénomènes divers ne peuvent s’accomplir sans qu’il y ait au sein de l’organisme apport et départ de matière. Dans l’immense majorité des cas, rien de brusque n’accuse ces mouvemens, et tout se passe dans l’intimité même des tissus. Les branchies du têtard ne tombent pas pour faire place au poumon, la queue ne se détache pas quand les jambes sont prêtes;

  1. Je n’entends pas poser ici une règle absolue, ni rattacher le plus ou moins de complication des métamorphoses uniquement au plus ou moins de volume du vitellus. J’ai seulement voulu indiquer une cause dont je ne crois pas qu’on ait encore suffisamment tenu compte, mais à laquelle viennent sans doute s’en ajouter bien d’autres. Le temps de l’incubation, par exemple, doit encore être regardé comme un élément important de la question et exercer une influence réelle. L’œuf des hermelles et des tarets se transforme en douze heures, de toutes pièces, en un animal évidemment doué de spontanéité. Là est sans doute aussi une des principales causes de l’extrême simplicité de la larve.