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pouvons au moins, dans certains cas, soupçonner quelle en est la cause immédiate. Dès le début de ce travail, nous avons comparé le vitellus volumineux des ovipares proprement dits au très petit vitellus des vivipares; nous avons vu comment le premier fournit successivement à la formation, puis à l’accroissement de l’embryon, comment le second ne peut satisfaire qu’à l’un de ces actes. Par suite, avons-nous dit, l’oiseau et le lézard peuvent acquérir dans l’œuf isolé leur organisation complète; les mammifères au contraire sont obligés, pour arriver au même degré de développement, de séjourner dans le sein de leur mère, qui les nourrit par l’intermédiaire de véritables organes temporaires. Or, que pour une raison qui nous échappera sans doute toujours, un œuf à petit vitellus soit destiné à être expulsé, la nécessité d’un mode d’existence intermédiaire entre l’état premier de l’embryon à peine formé et l’état définitif de l’animal n’en existera pas moins, et il s’agira d’y pourvoir. C’est là un de ces problèmes que la nature semble à chaque instant se poser pour le plaisir de les résoudre, et la solution de celui-ci se trouve dans la métamorphose. Toujours, même chez les espèces à développement récurrent, l’embryon qui sort de l’œuf présente une organisation relativement plus simple-, par suite, ses besoins sont moins nombreux, et il peut y suffire. Peu à peu il se complète, et sa sphère d’activité s’étend ; il réalise enfin son type spécifique, quand il a reçu du monde extérieur des matériaux suffisans. La larve n’est donc qu’un embryon à vie indépendante, qui se nourrit lui-même au lieu d’être alimenté par sa mère, et qui subit au dehors, sous nos yeux, des changemens, des transformations analogues à ceux qui, chez les vivipares, s’accomplissent dans les profondeurs de l’organisme maternel.

En assignant pour cause prochaine au phénomène que nous étudions l’insuffisance des matériaux organisables du vitellus, nous pouvons expliquer, ou, si l’on veut, coordonner bien des faits que l’on ne saurait sans cela rattacher à aucun ensemble. Plus cette insuffisance sera grande, plus l’embryon formé aux dépens du vitellus devra montrer d’imperfection, plus il sera en arrière du type et aura d’étapes à fournir pour s’en rapprocher et l’atteindre. L’observation justifie cette conclusion. Comparés aux œufs de certains mollusques, les œufs d’insecte sont énormes. L’œuf du cossus ligniperda est environ trente mille fois plus volumineux que l’œuf du taret. Aussi la petite chenille qui en sort est-elle déjà un animal fort compliqué, en d’autres termes un embryon fort avancé. Le taret au contraire est d’abord aussi simple que possible. Son corps n’est pour ainsi dire qu’une pulpe homogène où se distingue vaguement un tube digestif. La première aura sans doute à fabriquer quelques organes, mais