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barbes ou pennes sur la course de la flèche. Ils établirent une arme qui a reçu le nom de carabine à tige, et qui réunit les conditions suivantes : — calibre, celui du fusil d'infanterie, ce qui atténue les inconvéniens de la double munition, puisque dans un moment de confusion les deux projectiles pourraient entrer indifféremment dans les deux armes; — portée, à 1,300 mètres les balles oblongues lancées par la carabine à tige traversent deux panneaux de bois de peuplier de 0m22 d'épaisseur et laissent des empreintes sur le troisième; — justesse, n'a d'autre limite que l'adresse du tireur et la bonté de sa vue. Ce modèle fut définitivement établi et adopté en 1846. Les armes rayées pourront encore recevoir, elles reçoivent peut-être aujourd'hui d'importans perfectionnemens; mais on peut dire que de ce jour le problème a été résolu, les vrais principes posés. Dans le courant des années 1847 et 1848, les carabines à tige furent mises en service dans les bataillons de chasseurs et composèrent seules leur armement.

Cette modification essentielle désarmait les plus graves et les plus convaincus parmi ceux qui avaient critiqué la création des chasseurs. Cependant, quelqu'important que fût le progrès, quel que fut l'éclat des services rendus en Algérie par ces bataillons, on contestait encore leur utilité, l'efficacité des nouvelles armes; on objectait que la guerre d'Afrique était une guerre de tirailleurs, et qu'elle n'avait pas d'analogie avec les sièges qu'il faudrait faire, avec les grandes batailles qu'il faudrait livrer sur le continent. Ceux qui avaient bien réfléchi sur la question étaient d'un avis contraire, et pensaient que l'épreuve d'une guerre européenne serait encore plus favorable, encore plus concluante. Le siège de Rome leur fournit de bons argumens. Les chasseurs, avec leurs armes rayées, y rendirent d'immenses services, et il devint évident que leur existence et leur perfectionnement modifiaient les conditions d'attaque et de défense des ouvrages fortifiés. On comprendra l'importance de ce fait, si l'on veut examiner le rôle que les fortifications ont joué dans tous les grands événemens de guerre accomplis en Europe depuis 1815, soit que l'on considère les places sous le point de vue ordinaire, soit que, suivant une tendance plus récente, on cherche à les transformer en grands camps retranchés : Anvers en Belgique, Fredericia en Danemark, Bude et Comorn en Hongrie, Peschiera, Mantoue, Venise, Vérone et Rome en Italie, Sébastopol en Crimée. Aussi les bataillons de chasseurs n'eurent-ils pas à souffrir de la défaveur qui pouvait s'attacher à leur origine et au nom qu'ils avaient porté. Leur nombre a été accru récemment; la France en compte aujourd'hui vingt et un.

Au dehors, ils ne furent pas moins bien appréciés. Toutes les puissances qui avaient des troupes du même nom ou du même ordre se sont efforcées de perfectionner sur cet exemple leur organisation