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les éphémères, le type virtuel de l’insecte à l’état parfait se trouve réalisé. Nous allons voir tantôt cette dernière condition manquer, tantôt les rapports entre les divers âges devenir tels que les transformations sont à peine marquées. Nous arrivons aux insectes à métamorphoses incomplètes; mais entre eux et les groupes qui nous ont arrêtés jusqu’ici, nous rencontrons comme transition l’ordre des diptères ou mouches proprement dites. Ici les trois époques de la vie sont parfaitement tranchées, certaines métamorphoses se compliquent même de phénomènes nouveaux; mais dans l’insecte par fait, une des paires d’ailes, la postérieure, avorte constamment et se transforme en de simples balanciers qui ne font plus que régler le vol. Les diptères commencent donc à s’écarter notablement du type virtuel.

Choisissons parmi eux une de ces mouches dont Swammerdam et Réaumur ont si bien fait connaître l’histoire, le stratiome caméléon (stratiomys chameleon], commun dans les bois des environs de Paris. C’est un bel insecte, un peu plus long et surtout plus large qu’une abeille; sa tête porte deux antennes en fuseau; ses yeux composés sont séparés par un intervalle couvert de poils; la trompe charnue qui lui sert à humer le liquide sucré des nectaires est cachée pendant le repos dans une cavité du front; son dos, de couleur fauve, porte, indépendamment des deux ailes et des balanciers caractéristiques, deux crochets cornés, courbes et dirigés en arrière; son abdomen de couleur brune est tacheté de lunules blanches. Tel est l’insecte à l’état parfait. Voyons-le à l’état de larve. Celle-ci est une espèce de ver plat, renflé dans le milieu, se terminant aux deux bouts en pointe mousse, long de près de six à sept centimètres, d’une couleur brunâtre, partagé en douze anneaux, pourvu d’un appareil buccal assez informe, sans aucune trace de pieds, et dont la peau coriace et tuberculeuse ressemble à du parchemin mouillé. Cette larve habite la plupart de nos mares, où elle nage un peu à la façon des sangsues. Obligée pourtant de respirer l’air en nature, elle y parvient à l’aide d’un curieux mécanisme. Son dernier anneau, très allongé, se termine par un bouquet de soies ramifiées en forme de plumes et entourant un orifice où viennent aboutir deux grands troncs trachéens étendus d’une extrémité à l’autre du corps. L’animal tient habituellement cet orifice fermé et les soies rapprochées; mais a-t-il besoin de respirer, il remonte à la surface, épanouit son bouquet de plumes, et, soutenu par cette espèce d’entonnoir, reste suspendu la tête en bas, tandis que l’air entre librement par l’orifice, pénètre dans les trachées, et va se répandre dans le corps entier.

Réaumur ne nous dit pas combien de temps les stratiomes vivent à l’état de larve. Toujours est-il que vers le commencement de l’été