la fin d’avril, peu après le coucher du soleil, un de ces insectes femelles a creusé dans une terre légère, meuble et bien fumée, comme l’est par exemple celle d’un jardin maraîcher, un trou de quinze à dix-huit centimètres de profondeur ; il a déposé au fond une trentaine d’œufs, puis il est mort. Un mois environ après la ponte, il est sorti de chaque œuf un petit ver, une larve blanchâtre, à demi roulée sur elle-même, à tête fauve, cornée, armée d’un puissant appareil de mastication, au corps mou, oblong, partagé en douze anneaux, pourvu de six pattes écailleuses et de dix-huit stigmates très apparens. Les jeunes larves vivent d’abord en famille. Les débris de végétaux enfouis dans le sol, les racines les plus voisines suffisent aux besoins de la couvée entière pendant cette première saison. Les froids venus, on ne se sépare pas encore : on mine plus profondément, et on pratique une loge spacieuse parfaitement à l’abri de la gelée, où l’on passe l’hiver en commun. Au printemps, toutes ces larves, plus grandes et plus voraces, ne sauraient plus trouver sur le même point une nourriture suffisante ; elles se séparent alors, et chacune, se creusant une galerie particulière, remonte vers la surface du sol jusqu’à la région des racines. C’est alors que sous le nom trop connu de ver blanc, elles ravagent les jardins potagers, les pépinières, les prairies artificielles ou naturelles, et font périr jusqu’aux plus grands arbres en dévorant leurs radicelles. À l’entrée de la mauvaise saison, elles s’enterrent de nouveau pour recommencer l’année suivante. Cette vie souterraine se prolonge pendant trois ans et parfois davantage. Parvenue enfin au terme de sa croissance, chaque larve creuse une dernière galerie plus profonde que les précédentes, se construit une loge ovoïde en terre pétrie avec une humeur visqueuse, et dans cette espèce de cocon se transforme en nymphe. Celle-ci ressemble beaucoup a une chrysalide ; seulement les ailes, les pattes, les antennes, au lieu d’être soudées par le vernis dont nous avons parlé, ont chacune son étui propre, et sont appliquées et non collées le long du corps.
Pendant cinq ou six mois, le hanneton reste engourdi sous sa nouvelle forme ; vers la fin du mois de février, il s’éveille et sort de son fourreau ; mais, encore mou et presque incolore, il ne pourrait sans danger affronter les périls qui l’attendent au dehors. Il reste donc en terre jusqu’à ce que ses tégumens se soient raffermis, et ne sort que vers le milieu du mois d’avril. Tout aussitôt il vole vers l’arbre le plus voisin, et, devenu insecte parfait, se met à en ronger Les feuilles, comme il en rongeait les racines à l’état de ver blanc.