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des accidens de terrain avec une rare intelligence, se gardant, s'éclairant à merveille, et tirant de leurs armes un admirable parti, ils réunissaient à un tel degré toutes les qualités d'une excellente troupe d'infanterie, que le maréchal Bugeaud et les généraux commandant en Algérie désirèrent en avoir davantage sous leurs ordres. Le nombre des bataillons employés en Afrique fut porté de quatre à six, proportion énorme si l'on songe que la France n'avait alors que dix de ces bataillons. Leurs dépôts, qui, séparés, n'eussent pas été en mesure de donner aux recrues une instruction complète, étaient concentrés à Toulouse sous les ordres d'un officier supérieur, et, se prêtant un mutuel concours, n'envoyaient aux compagnies de guerre que des hommes bien formés. Les officiers justifiaient de tous points les choix faits par le prince royal. Nous pourrions en signaler bon nombre qui sont déjà parvenus aux plus hauts grades : l'un d'eux commande aujourd'hui l'armée française d'Orient; mais il faudrait dépasser les bornes de cette étude, car il nous reste à retracer d'autres travaux, d'autres efforts moins éclatans et cependant non moins utiles.

L'armement délivré aux bataillons en 1841 était aussi parfait que le permettait alors l'état de la science, mais il laissait à désirer. On était dans la bonne voie; on n'avait pas atteint le but. Le duc d'Orléans le savait. Les fusils de rempart allégés étaient de bonnes armes, réunissant des conditions de portée et de justesse inconnues jusqu'alors; aussi étaient-ils fort en faveur, et en Afrique beaucoup de colonels, frappés des résultats qu'ils donnaient, cherchaient à s'en procurer un certain nombre pour les confier aux tireurs d'élite de leur régiment. Cependant ils étaient d'un grand poids; il leur fallait une balle d'un calibre beaucoup plus fort, et une confusion dans la distribution des munitions pouvait produire sur le champ de bataille des effets désastreux. Quant aux carabines de munition, la fabrication de ces armes avait été un véritable tour de force de nos manufactures; il avait fallu en quelques mois confectionner plusieurs milliers de carabines d'un modèle entièrement nouveau, on n'avait même pas eu le temps de préparer les tables de construction; aussi, malgré les perfectionnemens introduits par le chef d'escadron Thiéry[1], ces armes ne présentaient pas toutes les qualités désirables. On se remit à l'étude, et l'on établit un modèle de carabine plus satisfaisant (1842), mais qui pourtant n'a jamais été mis en service, de nouvelles découvertes ayant permis de donner à l'armement des bataillons l'unité et la puissance qu'on ne cessait de rechercher.

Nous avons dit qu'avant l'organisation des chasseurs l'instruction

  1. Aide-de-camp du duc de Montpensier, mort récemment officier-général.