Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

simples, isolés les uns des autres. Comme chez toutes les chenilles, la bouche est construite de manière à pouvoir couper et mâcher les feuilles parfois coriaces du chou et des autres crucifères. Elle est armée latéralement d’une paire de mandibules cornées très solides et d’une paire de mâchoires plus faibles que recouvrent en partie une large lèvre supérieure et une lèvre inférieure. Sur le milieu de celle-ci, on aperçoit un petit organe allongé, tubulaire, percé d’un orifice microscopique. Cet organe est la filière qui sert à l’animal à façonner les fils. Le corps de la chenille est composé de douze anneaux à peu près pareils, dont l’ensemble est presque cylindrique. Il est d’un gris jaunâtre ou verdâtre, rayé d’un bout à l’autre par trois bandes jaunes, et semé de points noirs. Ces points sont autant de petits tubercules dont chacun porte un poil blanc visible seulement à la loupe. Huit paires de pattes aident aux mouvemens de l’animal. Comme chez toutes les chenilles, ces pattes sont de deux sortes. Les trois premières de chaque côté sont coniques, articulées et terminées par un ongle unique : ce sont les pattes écailleuses ou vraies pattes. Toutes les autres sont appelées pattes membraneuses ou fausses pattes. Celles-ci ressemblent à de gros tubercules tronqués à leur extrémité, qui est garnie d’une couronne de petits crochets. Ce qu’elles ont de plus remarquable, c’est que la chenille les meut en tout sens, les fait saillir au dehors ou les retire à l’intérieur du corps, de manière à ce qu’on puisse à peine distinguer la place qu’elles occupent. Enfin, pour terminer cette esquisse de notre chenille, ajoutons qu’elle porte de chaque côté et sur autant d’anneaux dix petites ouvertures entourées d’un cercle brun : ce sont les stigmates qui servent à introduire l’air dans l’appareil respiratoire dont il sera question plus loin.

La piéride du chou, à l’état de chenille, a pris d’ordinaire toute sa croissance vers les mois d’octobre et de novembre. Alors elle se prépare à sa première métamorphose en cessant de manger, eu vidant complètement son tube digestif, puis elle gagne quelque creux d’arbre ou quelque trou de muraille, et dès qu’elle a découvert un lieu convenable, elle commence ses préparatifs. Cette chenille n’a pas, comme le ver-à-soie, à filer un cocon qui la cache et la protège; bien au contraire, elle se métamorphose en l’air. Elle commence donc par plafonner le point qu’elle a choisi de fils croisés en tout sens. Cette couche de soie, à la fois très fine et très forte, fournit un point d’appui solide à ses jambes postérieures. Alors, recourbant sa tête et son corps en arrière jusque vers le milieu du dos, à la façon d’un saltimbanque qui crampe en cerceau, elle attache un premier fil sur un des côtés, le conduit et le fixe sur le côté opposé, et recommence le même manège jusqu’à ce qu’elle ait formé une espèce de sangle composée