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SCÈNES
DE LA VIE ITALIENNE


LE PATITO.


I.

Au mois de février 1842, il tomba de la neige à Rome pendant trois jours, et la vue des toits et des dômes blanchis par l’hiver fut un sujet d’amusement pour les Romains, moins blasés que les étrangers sur la beauté de ce spectacle. Tandis que le vent de tramontane faisait frissonner les citronniers délicats et gémir les pins majestueux de la villa Panfili, deux vieilles dames étaient assises près du feu dans un appartement mal clos de la place de Trevi. Elles causaient ensemble en surveillant une bouilloire dont le murmure se mariait au bruit de la grande fontaine de la Vierge. On ne voyait sur leurs visages sillonnés de rides profondes ni la régularité de traits ni l’embonpoint classique des matrones romaines. Un œil exercé aurait pu reconnaître le type napolitain à leurs pommettes osseuses et à leurs nez saillans formant avec le front un angle presque droit. La sévérité de leurs physionomies inspirait une crainte doucement tempérée par l’envie de rire. L’une était la veuve et l’autre la belle-sœur du feu docteur Pizzicoro, qui avait été, dans son temps, un praticien habile plutôt qu’un médecin savant. Depuis vingt ans qu’elles avaient quitté Naples pour suivre la fortune de leur époux et beau frère, leur prononciation ne s’était point corrigée du vice originel,