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à la rébellion, avaient figuré au premier rang les dangers, les fatigues, les privations de toute espèce qui accompagnaient les guerres faites au nord du Danube, et qu’on transformait en crimes contre les soldats. Quand la révolte eut réussi et que son chef eut revêtu la pourpre impériale, Phocas césar ne voulut point démentir Phocas centenier. H retira les troupes de la Dacie pour les rendre à leurs cantonnemens de Mésie et de Thrace, et offrit la paix aux Avars. La pension énorme dont Baïan jouissait autrefois, et que Maurice lui avait retirée à cause de ses méfaits, fut promise au nouveau kha-kan, avec une augmentation notable. Les Avars, qui se croyaient perdus, s’empressèrent d’accepter une pareille paix, qui leur permettait de réparer leurs désastres et ne leur enlevait que la faculté de nuire, dont ils étaient incapables d’user. Ils se relevèrent donc de leur ruine, mais lentement ; il fallut qu’une nouvelle génération fût arrivée à l’âge d’homme pour qu’ils osassent se risquer encore contre les Romains, tant la blessure qu’ils avaient reçue était profonde ! Évitant donc toute collision avec rempire, du moins toute collision grave, ils prirent pour but de leurs courses les pays qui les avoisinaient au nord et à l’ouest. Leurs anciens amis les Lombards poursuivaient alors assez péniblement la conquête de la Haute-Italie, et eurent besoin de leur secours : ce fut un débouché ouvert à leur activité turbulente. Le kha-kan leur envoya à plusieurs reprises des auxiliaires de race hunnique ou slave. Ainsi l’on voit figurer, en 609 dans l’armée du roi lombard Aghilulf dix mille Slovènes tributaires des Avars, qui prirent part au siège de Crémone et se signalèrent par leur férocité lors du sac de cette ville tant de fois désolée.

En 610, la scène change : ce n’est plus pour assister les Lombards que le kha-kan des Avars descend en Italie, mais pour les surprendre et les piller. À la tête d’une armée formidable, il se jette sur le Frioul, qui faisait partie du royaume lombard sous des ducs héréditaires de la famille d’Alboïn. L’irruption avait été si vive, que le duc régnant, nommé Ghisulf, se trouva hors d’état d’y résister ; les troupes qu’il avait rassemblées à la hâte furent battues ; lui-même fut tué, et ses capitaines coururent se renfermer dans les châteaux voisins avec les soldats qui survivaient. L’ancienne ville romaine de Forum-Julii, forte d’assiette et ceinte de bonnes murailles, était la citadelle du duché en même temps que sa métropole : la veuve et les enfans de Ghisulf s’y réfugièrent ainsi que les plus qualifiés des seigneurs lombards et la meilleure partie des troupes. Cette veuve de Ghisulf, nommée Romhilde, était une femme d’un caractère viril et résolu, mais impudique et livrée à des passions sans frein. Il lui restait de son mari huit enfans, savoir quatre filles et quatre fils, dont le plus jeune était encore en bas âge, tandis que l’aîné entrait