Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


31 mars 1855.

La première impression causée par la mort de l’empereur Nicolas tend a s’effacer ; les questions suscitées en Europe par le dernier tsar de Russie sont restées. Elles sont débattues plus particulièrement encore aujourd’hui par la diplomatie et par les armes : à Vienne, où la conférence a commencé et poursuit dans le secret le plus profond ses délibérations ; en Crimée, où les armées en présence accumulent leurs travaux et se livrent des combats partiels meurtriers en attendant le choc plus général, s’il doit venir. C’est vers ces deux points que tous les regards se tournent ardemment comme pour saisir dans l’air la nouvelle qui peut trancher ou déméler le nœud redoutable, et comme la nouvelle ne vient pas, on la crée, on l’imagine, on fait parler la diplomatie ou on met les armées en mouvement, on signe des protocoles ou on livre des batailles, jusqu’au lendemain, où une autre nouvelle succède à celle de la veille. Depuis quelques jours surtout, cette distribution de nouvelles a pris une intensité singulière. À deux ou trois reprises déjà, la paix a dû être faite, ou les conférences ont dû être rompues. La vérité est que dans cette série de complications dont se compose l’histoire de l’Europe depuis deux ans, il n’y eut jamais un moment à la fois plus décisif et plus incertain : — plus décisif, parce que dans les circonstances actuelles tout le monde sent bien que nous touchons de très près à un dénouement quelconque, le rétablissement de la paix ou le redoublement de la guerre ; plus incertain, parce que de toutes ces chances diverses qui s’oth*ent simultanément, de tous les signes qui se manifestent et se pressent, il n’en est point qui laisse apercevoir le caractère de ce dénouement, pourtant si prochain. Il y a seulement deux faits positifs qui résument la situation présente des choses : l’Europe à ses représentans réunis à Vienne, et ces représentans délibèrent sur les conditions d’un arrangement qui implique lui-même une transformation de l’état de l’Orient, tandis que la lutte de son côté se déroule avec ses