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remarquable succès de ses comédiens à Paris, prendra l’initiative des réformes. Déjà il a fondé un prix pour les meilleurs ouvrages dramatiques, déjà il a accordé à M. Gattinelli la médaille d’or pour un petit écrit où cet intelligent artiste exposait ses vues à cet égard : le premier pas est fait, il ne s’agit plus que de persévérer, d’accorder aux compagnies des conditions pécuniaires plus favorables, de créer enfin pour l’Italie un conservatoire, un gymnase dramatique, ou du moins de coopérer à cette grande création. Le séjour de la troupe sarde à Paris ne sera ainsi perdu pour l’art théâtral ni en Italie ni en France ; d’un côté, il aura provoqué d’utiles réformes, de l’autre, — espérons-le du moins, — une émulation féconde.

F.-T. PERRENS.


MELANGES.

M. Nettement se prend pour le chef d’une école qu’il appelle modestement l’école religieuse et traditionnelle. C’est une illusion très innocente que je voudrais pouvoir lui laisser. Quoiqu’une école traditionnelle ne signifie absolument rien, et ne soit qu’un non-sens, je consentirais de grand cœur à le prendre pour général d’une armée imaginaire, s’il n’eût appelé au secours de sa défense des argumens d’une nature toute nouvelle, et qui m’imposent le devoir de lui répondre. Il croit sans doute, et je me range à son avis, que son dernier livre compte peu de lecteurs, ou du moins n’a pas été lu d’un bout à l’autre. Il a donc entrepris de le populariser en le publiant par extraits. C’est une idée ingénieuse dont tous les hommes de bon goût doivent lui tenir compte. Je ne voudrais pas garantir le succès de cet expédient ; cependant je ne le désapprouve pas. M. Nettement essaie, en multipliant les citations de son dernier ouvrage, de prouver que sur tous les points il est du même avis que moi. Il est vrai qu’il ne réussit pas à le prouver ; mais enfin son intention a du moins le mérite de l’originalité. Comme il est très verbeux et que les paroles ne lui coûtent rien, il est possible que le public n’ait pas bien saisi l’enchaînement de ses argumens. Pour l’édification de la foule et pour la gloire de l’auteur, je crois devoir le mettre, à nu, le dépouiller de tous les artifices de la science oratoire.

Voici donc, en peu de mots, la défense de M. Nettement présentée par lui-même. Je l’accuse d’ignorance, preuves en main. Vous croyez peut-être qu’il se tient pour battu, et qu’il confesse humblement son erreur ? Le chef de l’école religieuse et traditionnelle ne se rend pas à la première sommation. Il met sur le compte d’un prote inattentif la confusion d’un auteur comique et d’un astronome, d’un paysagiste et d’un peintre d’histoire, et promet de corriger ces deux bévues dans une prochaine édition, qui sans doute ne se fera pas longtemps attendre. Quant à la confusion de l’idéalisme et de l’idéologie, de la théologie et de la théodicée, il n’en dit mot, et pour cause, car le prote le plus complaisant ne consentirait pas à l’endosser. Puis il revient à son rôle de chef d’école, et continue son invincible raisonnement : — Vous m’accusez d’ignorance, et vous dites que mes doctrines me conduisent à la négation, à l’immobilité. Eh bien ! je puis vous opposer, je vous oppose une réponse victorieuse, une réponse sans réplique : je vous compare à Julien l’Apostat, qui défendait aux chrétiens d’étudier !